Le MorvandiauPat | Les habits |
Avec la Révolution, les mouvements de mode s’accélèrent. Toutes et tous cherchent des signes distinctifs pour refléter les temps nouveaux. Nouvelles attitudes, ou habits neufs... dès 1789, la mode est en révolution.
Il ne reste presque aucune pièce du costume paysan de la fin du dix-huitième siècle. Les inventaires après décès permettent toutefois d'affirmer que les ruraux aisés étaient plutôt coquets !
Les manières de se vêtir de la paysannerie à l'époque de la Révolution nous sont encore mal connues. Les pièces de costumes authentiques de cette période ont pratiquement toutes disparu. Les beaux costumes de fête paysans conservés dans les musées sont en effet bien postérieurs, contemporains de la différenciation régionale des costumes français qui ne se généralise guère avant le dix-neuvième siècle. L'iconographie est peu abondante et très dispersée. L'imagerie révolutionnaire a surtout exploité la figure symbolique du sans-culotte, plus que celle du paysan, qui apparaît en 1789 pour illustrer les doléances du petit peuple des campagnes, mais n'est guère reprise par la suite. Ce sont donc les documents d'archives, et en premier lieu les archives notariales (inventaires après décès, contrats de mariage et testaments), qui constituent les sources de première main pour étudier la réalité vestimentaire de la très grande majorité de la population d'alors.
Le vêtement des hommes répond au modèle de l'« habit à la française » en trois parties, tel qu'il a été décrit par F.-H. De Garsault dans l'Encyclopédie : culotte à pont ou à braguette, gilet sans manches, qui remplace la veste puis le gilet avec manche, dans l'évolution générale du costume masculin, veste de dessus appelée « habit », qui est très largement répandue dans les années 1780 où les ·mentions anciennes de «justaucorps » deviennent fort rares. La tête est généralement couverte par un « vieux chapeau », qui peut être un tricorne ou un chapeau rond. La mention de perruque existe, mais celle-ci est avant tout destinée à masquer la calvitie. Les jambes sont protégées par des bas ou des guêtres, mais les chausses maintenues par des liens n'ont pas complètement disparu.
La structure du vêtement féminin suit également avec un certain décalage chronologique l'évolution générale de la mode du temps : les femmes ne portent pas de « robes », qui sont d'un prix élevé, mais des corsages lacés et généralement pourvus de manches, sur une superposition de « jupes » ou de «jupons». L'ouverture du corsage est masquée par un plastron ou une pièce d'estomac. Un « mouchoir de cou » couvre les épaules et vient se croiser sur la poitrine. Un tablier avec ou sans bavette complète l’ensemble, masquant éventuellement une paire de poches indépendantes. La tête est toujours couverte d'une «cornette», simple coiffe de toile dont les pans (l'identification avec les « bandes » ou « longières » des inventaires paraît vraisemblable) retombent sur les épaules ou sont relevés sur le dessus. Ce tableau très général est bien sûr à nuancer selon les niveaux de fortune et les provinces, les paysans ne formant pas un groupe socialement ou géographiquement homogène.
Dans une société où le vêtement reste un bien rare, les documents d'archives gardent en majorité la trace des garde-robes présentant une certaine valeur marchande, dont l'estimation est en général égale voire supérieure à celle du mobilier, et nous renseignent donc prioritairement sur les manières de se vêtir des catégories aisées de la paysannerie. Laboureurs, vignerons et vendeurs de produits et de services (artisans, meuniers, cabaretiers ... ) signalent leur richesse à la fois par quantité et la qualité des pièces de costumes : les hommes possèdent ainsi plusieurs habits complets, dont au moins un de beau drap (drap d'Elbeuf ou d'Angleterre, par exemple) qu'ils portent dans les grandes occasions. Les chaussures ou les souliers de cuir sont toujours mentionnés lorsqu'ils existent, par opposition aux sabots qui n'apparaissent jamais.
La garde-robe des femmes est souvent plus importante en valeur que celle des hommes, et présente une grande variété de signes distinctifs : jupes, tabliers ou caracos confectionnés en cotonnades, indienne imprimée ou siamoise rayée, selon la mode du temps ; manchettes de mousseline ; « cornettes » ou « mouchoirs de cou » ornés de dentelles ; un ou plusieurs bijoux de prix, comme des croix ou des bagues d'accordailles, dites « de foy » ; enfin des galons ou des rubans destinés à rehausser le bord des vêtements, à défaut d'habits brodés. Les vêtements ordinaires et de peu de valeur sont à l'inverse rarement mentionnés, à l'exception des chemises de chanvre ou d'étoupe (quelquefois de fil) qui sont portées par les hommes comme par les femmes, et servent d'unique linge de corps et aussi de vêtement fonctionnel pour le travail.
Des variations régionales existaient certainement, immédiatement perceptibles aux yeux des contemporains. La production et la transformation domestique du chanvre, du lin et de la laine demeurent en effet des activités essentielles, qui permettent aux paysans à la fois de se vêtir et de faire du troc. La composition des tissus de laine très utilisés pour les vêtements chauds comme le droguet, la serge, la peluche, le bourracan... varie ainsi suivant les régions, et vraisemblablement aussi suivant les années. La laine peut être par exemple mélangée à du poil de chèvre ou à du coton, textile largement en usage au dix-huitième siècle. La même variété devait jouer également pour les procédés de teinture.
La Révolution portera un coup d'arrêt au développement de ces costumes urbains, déjà compromis par la fermeture des manufactures de cotonnades imprimées et de soieries de luxe. En 1793, Saint-Just interdit aux Strasbourgeoises de porter les coiffes « dorées » alors en usage, qu'il dénonce comme étant des « modes allemandes ». Mais la volonté politique des révolutionnaires ne semble guère pénétrer le monde des campagnes : le port obligatoire de la cocarde tricolore ou l'usage du pantalon n'ont pas laissé beaucoup de traces.
Il est toutefois paradoxal de constater qu'en abolissant les lois somptuaires, la Révolution va indirectement favoriser l'éclosion des costumes régionaux au dix-neuvième siècle, évolution aux antipodes de sa vision égalitariste de l'habillement illustrée par le projet de costume national du peintre David.
Spécialiste du costume, Sylvie Legrand est conservatrice au Musée national des arts et traditions populaires de Paris. - Le Monde de la Révolution N°4 – Avril 1989
La loi du 8 brumaire An II (29 octobre 1793) permet « La liberté du costume »
Nulle personne de l'un et de l'autre sexe ne pourra contraindre aucun citoyen ni citoyenne à se vêtir d'une manière particulière...
Chacun est libre de porter tel vêtement et ajustement de son sexe que bon lui semble.
Jusqu'au début du 19ème siècle, il n'y a pas eu d'histoire du costume populaire, mais uniquement des études d'archéologie antique ou des recensions d'habits de cour.
Il ne reste qu'au chercheur que l'exploration des minutiers, l'observation des ex-voto, ou des gravures anciennes.Il faut confronter l'iconographie du 19ème siècle avec d'autres sources d'information
L'idéal est de pouvoir trouver le costume lui - même.
Pour l'histoire du costume , les photographies sont plus probantes que les cartes postales anciennes qui présentent souvent des scènes montées.
Henri IV (1553-1610), par une ordonnance fameuse, accorda au paysan la liberté du costume, lui permettant de porter habits bleus, verts, rouges ou gris au lieu de s’en tenir à l’humble tenue de couleur brune ou bise, mais il fallait avant tout du simple et du pratique, et l’on utilisait la matière première locale.
Un couplet de la chanson bien connue du "Pauvre laboureur", dont plusieurs versions furent recueillies en Nivernais, est à citer :
Le pauvre laboureur
Est un p’tit artisan
Qu’a des habits de toile
Comme un moulin à vent.
Il porte aussi des guêtres
En toile de métier
Pour empêcher la terre
D’entrer dans ses souliers.
O lo lo laé.
Vauban (1633-1707), considérant l’aspect misérable des Morvandiaux et leur peu de force, écrivait en 1696 que les trois-quarts n’étaient vêtus, hiver comme été, que de toile à demi pourrie et déchirée et chaussés de sabots dans lesquels ils ont le pied nu toute l’année.
Le costume paysan qui ne vécut qu’un siècle ou deux dans sa forme qu’on a voulue classique mais qui, toujours, évoluait sans pour autant rompre avec la tradition.
En Morvan, toutefois, l’évolution fut excessivement lente ; la région vivait sur elle-même, presque isolée, et l’on n’y trouvait, vers 1820, "ni une route royale, ni une route départementale, ni même un seul chemin de grande vicinalité en bon état... C’était une véritable impasse pour tous les pays voisins".
Entre 1839 et 1855, d'après les observations de MM. A. De Saint-Léger et F. Le Play :
La femme d'un manoeuvre :
Les habitants de la Puisaye avaient autrefois peu de besoins et vivaient très sobrement. C'est aussi chez eux qu'ils se procuraient la chaussure et le vêtement. Dans les forêts, ils trouvaient en abondance le bouleau et le verne pour la fabrication des sabots, et c'est avec le chanvre récolté dans leurs chènevières qu'ils se procuraient le fil pour le tissage de leur linge de corps et de ménage ; ce fil, mélangé à la laine de leurs moutons, faisait une excellente étoffe très forte et très durable que fabriquait le tisserand du village et qui, portée chez les foulons de Donzy ou de Toury, recevait la dernière façon et devenait le poulangis, introuvable aujourd'hui.
Il ne faut pas confondre, comme certains folkloristes, le costume paysan avec celui des classes plus aisées et avec le costume de fête.
Le costume masculin est très simple : une courte veste en toile de « bouège », bleu ou gris, ou en laine noire (en toile de fil et de coton pour l'été), la petite chemise ou "semîiot", passée sur une chemise de toile à col haut ; cette partie de l'habit paysan est très étriquée, alors que le pantalon est droit et large, parfois rayé. La longue blouse, ou "biaude" ou "daumaire" est une sorte de cache-poussière, fendu par devant d'un bout à l'autre. Sous la pluie ou la neige, le paysan met le grand manteau à cape ou "limousine".
La coiffure du paysan est en pleine évolution au milieu du XIXème siècle : si les cheveux se portent toujours longs, le bonnet de coton à mèche, blanc noir ou bleu, est concurrencé par le chapeau de feutre rond, appelé "chapeau-champignon", à la suite de Claude Tillier.
La chaussure est uniquement le sabot, jauni sur le feu et à nez pointu, mais à peine découpé, aussi bien pour les femmes que pour les hommes.
Le costume de la paysanne se compose d'un "caraco", d'un cotillon, d'un mouchoir de cou ou fichu et d'un grand tablier à bavette fixée au caraco par des épingles à tête, le "devanté" ou "devantier". Le "caraco" ou corset ouvragé est un paletot noir, atteignant à peine la taille, à manches courtes et collantes, et tombant droit sur le cotillon, en toile de "barrage" à rayures de couleurs vives, froncé à la taille et descendant à mi-mollet. Mais, dès 1850, on commence à porter le long cotillon noir en popeline. Le fichu devient, en Morvan, un grand châle à dessins tissés avec le lainage.
Les femmes portent aussi une capuche de « bouège » gris dont elles s'enveloppent "depuis le haut des épaules jusqu'à la ceinture", et la coiffe de grosse toile blanche, empesée avec des pommes de terre et repassée avec une grande cuiller à soupe en fer, dans la région de Château-Chinon. Ailleurs, la femme porte la coiffe à barbe de toile ou "un petit bonnet ou dorlotte, garnie d'une grosse blonde noire". L'été, les femmes portent souvent un chapeau de paille par-dessus la coiffe. Lorsqu'elles ne sont pas au travail, pendant lequel elles sont jambes nues, elles portent des bas de laine blanche.
Les petits enfants portent la robe de moine ou "moingne". Ayant quitté la petite enfance, ils commencent à être vêtus comme leurs parents : pour les fillettes, c'est le petit corsage, le cotillon court, le bonnet simple et le tablier, pour les garçons de 7 à 8 ans, c'est le costume d'homme et le bonnet de coton.
Paysans et notables du Morvan au XIXème siècle jusqu'en 1914 - Marcel Vigreux - 1998
Le costume des habitants de la ville ne donne lieu à aucune remarque il suit toutes les phases de la mode.
Celui des habitants de la campagne est à peu près ce qu'il était il y a soixante ans. Il n'a subi que de bien légères modifications. En hiver, ils portent des vêtements faits avec une étoffe grossière de laine grise ou brune qui est fabriquée dans le pays, des bas de laine, des sabots un chapeau de feutre à larges bords pour les hommes et une coiffe pour les femmes complètent leur habillement.
En été, les vêtements de laine font place à ceux de fil ou de coton également tissées dans le pays ; le chapeau de paille succède au chapeau de feutre et l'on fait l'économie des bas.
Les femmes n'ont pas une coiffure qui leur soit propre comme dans la Bresse et dans le Mâconnais. Le vêtement qui les distingue est une cape noire d'un tissu très serré et presque imperméable qui les couvre de la tête aux pieds.
Topographie et statistique médicales de la ville et de la commune d'Autun - 1852 - Louis-Marie Guyton (1794-1869)
Le costume s'est transformé. Les culottes et les habits de droguet bleu ou beige ont fait place aux vêtements de travail en velours ou en cotonnade bleue et au complet de drap du dimanche. La blouse de coton bleue, aux broderies blanches, disparaît.
Les jours de fête, le paysan se coiffe d'un mou ou d'un «melon», il a la tenue d'un employé aisé de la ville. Les femmes ont abandonné la robe de serge brune, et la grande mante noire à capuchon, aussi bien que le bonnet blanc. Les robes sont faites «à la façon, de la ville», suivant la mode, grâce à l'habileté d'une couturière formée à Dijon et installée dans le pays.On porte couramment les chapeaux à fleurs, les gants, les ombrelles.
Les grosses toiles de chanvre, tissées il y a cinquante ans, à domicile ou dans la localité, sont remplacées par les chemises, les draps, les mouchoirs venant de Cholet ou de Mamers, ou achetés à Dijon, apportés par les colporteurs qui vont de foire en foire. Même transformation pour les chaussures; les demi-bottes de cuir, les gros souliers ferrés ont remplacé les sabots.
Le séjour des jeunes gens à la ville : les filles étant placées comme servantes, les gars faisant leur service militaire, l'accès facile de la cité, ont pour conséquence l'unification du costume et des moeurs.
Contribution à l'histoire des classes rurales en France au XIXe siècle : la Côte-d'Or : étude d'économie rurale par Germain Martin et Paul Martenot - 1909
Grâce à leur présence à Saulieu le Dimanche 1er Août prochain, les communes du Haut et du Bas-Morvan fraternellement réunies et confondues, réaliserons une fois de plus le vœu le plus cher des organisateurs, en faisant de cette manifestation la Grande Fête Annuelle de tout le Morvan.
Port obligatoire du costume morvandeau. - La Fête du 1er août étant une manifestation exclusivement régionaliste, le costume morvandeau est imposé. C'est lui qui contribuera pour la plus large part à faire l'attrait du cortège. Aussi des jeunes filles en robe de ville ne seraient pas admises à accompagner dans le cortège la Reine de leur commune.
1° Chaussures. - Sabots jaunes à bricoles. Autrefois, les sabots étaient tout en bois le plus souvent fumé, très découverts et retenus ou bien par une petite bride de cuir, verni pour les coquettes, large de deux centimètres, ou bien retenus simplement par un morceau de peau de mouton à laine noire rabattu pour former revers sur le coup de pied (pelisse). Cette mode étant peu praticable aujourd'hui, les sabots jaunes à bricoles sont indiqués en remplacement.
2° Bas. - Bas blancs tricotés à la main, à côtes ou à fleurs de préférence. A défaut, employer les bas blancs unis.
3° Jupe et corsage, ou robe. - Jupe en "tridaine" "bouège" ou en "basconte" ou robe de satin broché. La tridaine, le bouège, le croisé ou le basconte était une étoffe métisse de laine et chanvre ou coton tissée dans le pays avec des fils teints en deux ou plusieurs couleurs, formant des raies ou des carreaux. A la jupe était cousu le corsage de même étoffe ou d'étoffe plus légère, de couleur foncée unie ou à petits carreaux. Jupe et corsage étaient le costume pour tout aller.
La robe de satin broché était plus spécialement réservée pour les noces. C'était la robe de mariage et de cérémonie. Elle était de couleur violette ou vert-bouteille.
Jupe ou robe étaient serrées à la taille, à très grosses fronces par derrière de façon à former comme un bourrelet, et tombaient un peu plus haut que la cheville.4° Châle. - Le châle était de cachemire: deux espèces, le "grand châle" très long et le "châle d'été" plus léger et plus court. Pour tout aller, il était remplacé par un fichu (soie ou coton) qu'on appelait le mouchoir (mouchoué).
5° Coiffe. - La coiffe était blanche ou noire et sa forme variait suivant les régions. La forme la plus généralement adoptée était constituée par deux parties brodées: le fonds monté à fronces sur la passe plate; sur le bord de la passe était cousue une dentelle mise à plat d'une tempe à l’autre et tuyautée sur les côtés.
6° Tablier ou devanté. - En étoffe de soie noire: satin broché, taffetas, avec ou sans garniture de velours noir ou de dentelle noire.
Les jeunes filles pourront donc adopter indifféremment la jupe et le corsage, ou la robe de satin et le châle ou le fichu.7° Bijoux. - Ils consistaient invariablement en une petite croix toute simple en or ou en doublé retenue au cou par un mince ruban de velours noir et en une broche généralement de même métal servant à fixer sur la poitrine le châle ou le fichu.
Authenticité du costume. - L'idéal serait que le costume fut authentique. II nous semble qu'en fouillant bien les armoires des grand'mères, on pourrait exhumer coiffes, jupes, robes et châles.
Toutefois, nous pensons que les jeunes filles n'ayant pu, malgré leurs recherches, retrouver de vrais costumes pourront s'ingénier à les reconstituer, d'après les données ci-dessus, à l'aide d'étoffes modernes.Musiciens. - Costume Morvandeau: pantalon de "bouège" blouse ou veste courte et ajustée (chemillotte). Il faut un ou plusieurs musiciens en tète de chaque cortège: vielleux, cornemuseux, fluteux, accordéoneux, violoneux, etc.
Si j'en croyais Claude Tillier, je n'aurais rien à dire du costume en Morvan puisqu'il le dit « inamovible ». Bien que très peu de documents existent sur ce costume à travers les âges, j'ai l'impression qu'il a suivi de près ou de loin, la mode générale. Quoiqu'en dise le pamphlétaire des Vaux d'Yonne, celle-ci a toujours pénétré dans le Morvan. Elle n'a pas été rebutée par « l'odeur de la soupe au chou ».
Même la robe à crinoline a été portée en Morvan. J'ai dans mon bureau, une photographie de ma grand-mère d'Ouroux portant ce peu pratique vêtement.
Ce qui a le moins changé, c'est probablement le tissu dans lequel étaient taillés les habits des hommes comme ceux des femmes. Au moins à la campagne.
Jean Drouillet, avec sa méthode habituelle, a jeté quelque lumière sur le costume, à partir du XVIIIe siècle, époque à laquelle apparaît « la dômaire » ou la « doumée ».
Habit à la française ou souquenille du galvacher ? Elle a été probablement les deux. En drap pour l'habit du dimanche, en toile dans le second cas.
Au début, cette dômaire descendait très bas en avant et en arrière, comme au temps de Louis XIV.
Sous la « dômaire », une chemisette, « la chmillotte », la chemise de chanvre, la cravate souvent rouge, un haut-de-chausse ou culotte « à genoux d'oueille », des guêtres montant au-dessus du genou et attachées par des jarretières de laine rouge, un grand chapeau à bords étalés ou à cornes relevées le dimanche. Des sabots ou de lourds souliers.
C'est ce costume qui, vraisemblablement se porta avant et après la Révolution. C'est le Morvandeau, ainsi vêtu, que nous ont peint Baudiau, Clément Janin, Charleuf et que Jean Drouillet considère comme une réplique du vieillard de « l'Accordée du village » de Greuze.
C'est ainsi que nous apparaît notre ami Jaillet, en meneur de danses anciennes.
Petit à petit, les pans se raccourcirent, et au milieu du XIX" siècle, ils avaient pratiquement disparu, faisant une veste à la hussarde qui découvrait les reins. Je me rappelle avoir vu quelques vieillards suivant encore cette mode généralement abandonnée.
Ce que j'ai toujours vu, c'est le paysan, riche ou pauvre, portant la blouse bleu foncé avec boutons de nacre, le foulard rouge, le pantalon de poulangis et les sabots. Le tout surmonté et on peut dire mis à l'abri des intempéries par l'immense chapeau fabriqué au foulon du pays. Ce chapeau que Claude Tillier compare à un immense champignon noir et si large que, dit-il, trois amis, sous cette galette de feutre, peuvent aisément s'abriter d’une averse. Chapeau que le paysan affectionne tellement qu'il ne le quitte que pour entrer à l'église ou se coucher ...
Cependant, le bonnet de coton adopté par certains était d'un tel usage que, dans les papiers de la ferme de Montquin, j'ai vu une facture correspondant à un achat de deux douzaines de ces bonnets de coton.
La blouse bleue est « la biaude » du moyen âge et peut-être même l'ancienne tunique gauloise, « la saga ».
Quant au sabot, c'est l'immémorial sabot creusé dans un morceau de cerisier, de verne ou de bouleau et qui est, sans conteste, la chaussure la plus saine qui ait jamais existé. Ces énormes sabots de travail, à peine dégrossis sont souvent portés sans chaussettes, avec seulement un peu de paille. Chose admirable, ils semblent ne pas peser aux pieds de nos paysans qui, avec eux, allègrement labourent et arpentent leur terre.
Et nos Morvandelles qui avaient la réputation d'être coquettes et d'adorer les dentelles, les rubans, les couleurs vives, comment s'habillaient-elles ?
Quand fut organisée la première manifestation régionaliste, le costume féminin que revêtirent spontanément plusieurs centaines de Morvandelles, fut celui dépeint par Dupin, Blin et les autres auteurs de la seconde partie du XIXe siècle.
La coiffe que l'on a souvent confondue avec le bonnet à tuyaux des petites vieilles ou avec celui des nounous, à épingles à grosses têtes. Coiffes et bonnets, portés la semaine pour le travail, étaient rustiques. Ceux des dimanches et des sorties étaient parfois admirablement brodés et souvent garnis de dentelles.Tout ce pittoresque costume a disparu ou dort comme des reliques dans les vastes armoires héritées des grand-mères.
La chemise était de toile de chanvre, faite dans le pays. Inutile de dire qu'elle n'avait pas la souplesse de la soie.
Le caraco que j'ai vu noir et bordé de velours de même couleur, n'a probablement pas toujours été de cette même nuance sombre, ni de la même forme. La coquetterie féminine a dû le faire évoluer bien des fois.
N'était-il pas, tel que je l'ai vu, l'aboutissement, pour vieilles femmes, du « corselet » classique des paysannes de France ? Dupin ne l'appelle-t-il pas « corset » ?
Le cotillon. Il semble qu'on appelait ainsi la jupe ou robe qui aurait dû s'appeler « cotte ». Le costume paysan était probablement simplifié et se ramenait au « cotillon simple » de la laitière du fabuliste. Il était fait de l'étoffe du pays, « de baraige », disait-on, car cette étoffe était recherchée, barrée bariolée de couleurs vives.
Les « gourlassons », étaient des poches de grandes dimensions, véritables fourre-tout, attachées à une ceinture sous la robe. On les appelait aussi, m'assure-t-on, « sassots de bigue ». Les mouchoirs portaient le nom de « torche musiau ».
Les bas étaient à grosses côtes, faits avec la laine des moutons, filée sur la ferme, et tricotés à la maison. De couleur pour le travail, ils étaient blancs pour les jours de fête ou de sortie.
Les sabots étaient de bois léger, vernis en jaune, avec des brides de cuir décorées, fabriquées à Autun.
Le « devanté », en soie ou en percaline, était de couleur vive. Ces tabliers étaient parfois fort élégants et fort jolis.
Une bonne partie de ce costume était enveloppé et caché par le grand châle de cachemire. J'avoue n'avoir jamais trouvé gai ou seyant, ce grand fichu qui engonçait nos jolies Morvandelles. Mais il est resté très à la mode et semble faire partie nécessaire du costume du pays. Il n'a rien d'ailleurs de spécifiquement morvandeau, puisque Balzac en parle souvent dans son œuvre. Mais pendant une bonne partie du XIX" siècle, le châle était obligatoirement mis, par le fiancé, dans la corbeille de noces.
Nos Morvandelles portaient toujours au cou une croix de Jeannette en or ou en argent, attachée avec un ruban. Et certains Morvandeaux portaient, eux, des anneaux d'or comme boucles d'oreilles.
En Morvan - Souvenirs du bon vieux temps - 1968 - Joseph Pasquet, né le 20 mars 1888 à Château-Chinon et mort le 10 octobre 1972 au même lieu
Le nouveau-né est aussitôt lavé à l'eau bouillie tiède et enduit de saindoux de « gaille » (graisse de truie ayant porté). On lui met une large ceinture autour du ventre avec un demi-marron d'Inde pour « rentrer le nombril », une brassière à cordon sans bouton ni épingle, ses jambes sont enveloppées séparément dans un drapeau carré de lin, puis il est roulé dans un lange de laine et saucissonné de bandelettes de tresse, entrecroisées, comme momie, puis couché dans le berceau sur une paillasse de bourre d'avoine ou de paille de maïs...
C'est par souci de modeler le corps, comme l'on modelait le crâne, que l'on ligotait l'enfant, qu'on le langeait serré en l'entourant de bandelettes, les bras collés aux corps.
Dès sa naissance l'enfant est immobilisé telle une momie, pendant les 6 premiers mois. Seule sa petite tête peut se mouvoir en dehors de ce meillenot étroitement lié. Ce meillenot est une pièce d'étoffe rectangulaire, légèrement rétrécie dans le bas, à laquelle sur les deux grands côtés, on a cousu un cordon en zigzag, formant des oeillets. Ce cordon est attaché à un coin, en laissant une grande longueur libre, pour lacer en dents de scie cette espèce de corset sur l'enfant. Ce «ficelage » étroit servait à ce que l'enfant soit droit plus tard !!! Il ne pouvait pas non plus se découvrir et ne risquait pas ainsi prendre froid, pendant son sommeil.
La jeune Anne Gueneau possédait à son décès en 1782 trois langes dont deux en peau de mouton sachant qu'elle semble n'avoir eu qu'un seul enfant. Jeanne Renard, elle aussi habitant à Souhey cinquante ans plus tôt, possédait un unique lange de charge pour ses deux enfants nés à deux ans d'intervalle. Troisième évocation des langes, la petite fille trouvée le 19 avril 1755 « sur un peu de foin sur le degré le plus elevé de la premiere porte [de] l'eglise catedralle d'Autun » était entourée d'un lange. Il est écrit dans le procès-verbal que le nourrisson était «envelopée d'une chemise à son usage, d'un drapeau d'enfant, d'un lange de droguet de couleur jaune, emmaillotée d'une toille... blanche et sur laquelle on avoit mis une camisolle à l'usage d'une femme de serge de couleur brune doublée de toille à laquelle camisole il manquoit les deux manches et un coté du devant d'icelle et etoit bordée d'un padouze rouge... [et] il fut trouvé encore un mouchoir de toille blanche et un autre de toille de Cotton à carreaux presque usé».
À part un lange et une petite chemise, cette fillette abandonnée était enveloppée de lambeaux de vêtements d'adulte. C'était d'ailleurs le cas général pendant le XVIIIe siècle, les enfants n'avaient, le plus souvent, pas d'habits à leur usage propre, mais portaient des vêtements découpés dans ceux des adultes.
L'enfant dormait dans un berceau rustique, le beurriée (nord du Nivernais et régions de Lormes et de Montsauche) ou berriée (Amognes et région de Pougues) ou encore bré, beurce ou beurçais (Alligny-en-Morvan, Château-Chinon), sorte de caisse en bois à fond bombé, posée a même le sol. Cela ressemblait à une auge et avait l'avantage d'être d'une grande solidité. Desforges écrit que « confectionnés en coeur de chêne, les beurriées avaient porté dans leurs flancs peut-être dix générations ». Ils étaient pourvus soit d'un rebord sur lequel on posait le pied pour bercer l'enfant, soit d'un anneau dans lequel était passée une corde que la mère attachait à son pied : elle pouvait ainsi grôler, balancer, son petit tout en tricotant ou en ravaudant ses chausses ; si l'enfant criait, la nuit, elle le berçait au moyen de la corde sans quitter son lit.
Le berceau était garni d'une paillasse bourrée de balles ou de feuilles de frêne, et d'un matelas appelé le pissou. Le pauvre innocent était maintenu dans cette caisse par des cordelettes entrecroisées.
Peu à peu la berriée fit place au berceau d'osier sur chassis.
On assurait à Nolay qu'il fallait toujours barrer les enfants avec un ruban, un cordon bénit ou bien un signe de croix, pour que le Malin ne puisse rien sur eux!
Le manouvrier Jacques Lecoeur et sa femme Jeanne Chapotot, de Montigny-sur-Armançon, possédaient en 1731 un «couvrechef à batiser».
Ainsi arrive la cérémonie du baptême.
L'enfant est porté à l'église recouvert de la «tavaïole», pièce de lingerie fine, taillée le plus souvent dans le voile de mariée de sa mère : prolongement de l'enveloppe foetale chargé de la même signification et des mêmes propriétés que celle-ci. Il est coiffé d'un bonnet blanc offert par la marraine. Ce bonnet était gardé précieusement et, dans la région d'Entrains glissé dans la manche du conscrit, à son insu, pour qu'il tire un bon numéro.
En Morvan, en Mâconnais, en Nivernais, c'est la «bounne-mée» qui le porte à l'église. Partout ailleurs c'est la marraine mais la règle souffre partout des exceptions dictées par la diplomatie familiale.
La «bounne-mée» marche devant, portant le «nourrin», la marraine et le parrain viennent ensuite, elle portant bouquet à la ceinture, et les invités font cortège, car on aime créer le spectacle. La mère n'est point là, non parce qu'elle est trop faible, mais parce qu'elle ne doit pas reprendre sa place dans la communauté avant d'avoir été «relevée».
Les tout-petits, garçons ou filles, sortis des langes - les drapiaux - et de la brassière - le cheminot -, portaient une robe appelée moingne (de moine) en Morvan jusqu'à l'âge de trois ou quatre ans. Être en moingne signifiait, pour un garçon, n'avoir pas encore quitté la petite enfance, «l'époque où il est habillé comme les filles».
En 1731, lors de l'inventaire des biens de Jacques Valotte, vigneron à Semur-en-Auxois, il était bien spécifié que ses vieux habits ne seraient pas estimés car il était prévu qu'ils servent à l'usage de ses cinq enfants mineurs. Pierrette, âgée de dix ans, fille de Jeanne Renard et du laboureur Marceau Rousseau, n'avait que du mauvais linge à son usage.
La gravure de l'Album du Nivernais, représentant un petit garçon gambadant devant un joueur de panse, nous reporte aux environs de 1838. La vêture de cet enfant de 7 ou 8 ans est quasi la même que celle de l'homme : petite veste courte et pantalon étroit, avec cette différence que le grand chapeau noir de celui-ci est remplacé par un bonnet de coton orné d'une bouquiette (pompon) ; la veste ouverte de l'enfant laisse voir la chemise à col Danton. Nous savons par Claude Tillier (Comment le Capitaine eut peur) que les adolescents portaient en Morvan, comme les hommes, la «grande galette de feutre».
Quant aux fillettes, elles étaient vêtues d'un petit corsage, d'un cotillon court, d'un bonnet d'étoffe tout simple ; le corsage était protégé par un tablier retenu par des brides croisées sur le devant.
En ce milieu du XIXe siècle, les enfants sont représentés, l'un comme l'autre, pieds nus.
Une école confessionnelle en 1841.
le Pensionnat de Demoiselles dirigé à Moulins-Engilbert par les Soeurs de la Charité de Nevers
A l'école primaire supérieure de Château-Chinon, des écoliers portaient encore, vers 1895, des vêtements de poulangis.
Au début du siècle suivant, les écoliers du Morvan portaient bas de laine, culotte en tissu excessivement raide dit «peau de diable», gilet et blouse ; aux pieds, des sabots. La blouse, en retors bleu avec fil blanc tissé, était montée avec empiècement devant et dos ; froncée sous l'empiècement, elle était fermée par un rang de boutons de nacre et, plus anciennement, ouverte jusqu'à la taille seulement.
Jules Renard a pu voir le petit berger Yvon avec des «sabots de bois blanc d'où sortent des brins de paille, une culotte courte et, sur sa chemise, une peau de mouton dont les deux pattes de devant se nouent autour du cou».
C'est à partir de douze ans que la peau et les toisons féminines devaient être dérobées à la vue de tout un chacun mais surtout des garçons, et cette interdiction était matérialisée le jour de la cérémonie par le port du voile blanc qui cachait entièrement la chevelure.
Rite de passage pour l'entrée du jeune dans le monde du travail. C'est à partir de cet âge, ou plutôt de cette cérémonie, que le garçon portait des pantalons longs et que la fille rallongeait ses robes. On ne devait plus voir les mollets, ni même les chevilles. Personne ne devait la voir dépeignée. Il fallait que ses cheveux fussent noués en chignon et, en dehors de la maison, emprisonnés sous le bonnet, bonnet en batiste fine, blanche, à bords tuyautés, et noués sous le menton par deux bridons cachant les oreilles.
Seule pouvait être apparente la naissance des cheveux sur le front, à condition encore qu'ils fussent lisses et divisés en deux bandeaux bien «convenables», c'est-à-dire symétriques.
Aussitôt la communion faite, la chevelure des filles était considérée comme un élément de coquetterie, donc de désordre social. La vue des cheveux dénoués était réservée à l'époux. Pratiquement le bonnet était mis dès le lever, dans le secret de l'alcôve, à l'abri des rideaux épais du baldaquin, soigneusement tirés. Il n'était enlevé que le soir, au coucher, derrière les courtines.
La plupart des enfants n'avaient jamais vu les cheveux de leur mère, ni ceux de leur grand-mère, et ils étaient tout étonnés, à l'occasion d'une maladie ou d'un accident, de voir flotter leur chevelure, souvent très belle.
A partir de la communion, la vie des filles était absolument intégrée à celle des femmes, et celle des garçons, à celle des hommes. La séparation des sexes, déjà commencées dès l'âge de «râyon», six ans, devenait rigoureuse et intégrale.
Les paysannes conservent jusqu'à la fin du règne de Louis XV la cotte ou jupe, le corps ou corsage, plus ou moins garni de baleines et montant jusqu'au dessous des bras ; les brassières qui couvrent les épaules ; les manches, dont la couleur tranche avec celle du corps, et qui se rattachent aux brassières.Quelquefois, on ajoutera un devantier et un tablier.
Sous Louis XIV, les cottes sont de serge violette, bleue, grise, blanche, rouge écarlate ou pourpre. La nuance rose sèche est en faveur. Les corps ou corsages sont de couleurs diverses et d’étoffes différentes, depuis les plus communes, la tiretaine, le droguet, la serge, la futaine jusqu'aux plus riches, telles que le brocard, le damas, le tabis, le satin uni ou figuré.
Il faut en effet qu'une paysanne soit réduite à l'indigence pour ne pas avoir au moins un anneau et une croix d'argent.
AUDIGER G. (1767-1837) - Souvenirs et anecdotes sur les comités révolutionnaires, 1793-1795 :
Le beau sexe, dans ces montagnes, ne serait pas laid, s'il était un peu plus coquet. Mais loin de lui cette salutaire propreté sans laquelle la plus belle femme du monde est toujours sans attraits ; et pourtant, en dépit de la crasse et des cheveux en désordre (et celui-ci n'est point un effet de l'art), j'ai distingué d'assez beaux yeux, de belles dents, et parmi les jeunes filles des formes appétentes. La chaussure habituelle de l'un et l'autre sexe est le modeste sabot sans courroies, le plus souvent chaussé à nu.
HUGO Abel Joseph ( 1798 - 1855 ) dans "La France pittoresque" - Département de la Nièvre - 1835, décrivait ainsi le costume :
Les femmes des campagnes, qui portent des jupons courts, plissés, un casaquin à courtes manches et lacé sur le devant, aiment, pour leur mouchoir de cou les couleurs vives et éclatantes. Elles arrangent leurs cheveux avec goût et se coiffent d'un chapeau bas à petite forme qui sied très bien aux jolis visages.
En 1842, Claude TILLIER écrivait dans un conte intitulé "Comment le Captitaine eut peur" :
Dans le Morvand, le costume est inamovible ; vous diriez que pour tous les paysans il y a un uniforme de rigueur, un uniforme pareil à celui qui existe dans les maisons de correction : toutes les femmes, jeunes ou veilles, sont vêtues d'une étoffe de laine à larges raies; elles ont toutes aux jambes des bas de laine blanche, toutes aux pieds des sabots étrangement tatoués, recouverts d'un carré de peau de mouton, et toutes sur la tête un large et épais bonnet d'indienne piquée, derrière lequel se carre un large chignon. Probablement les matrones gauloises avaient un bonnet d'indienne et un chignon. Si, avec cet accoutrement disgracieux quelques-unes d'elles sont encore jolies , il ne faut pas leur en faire compliment ; c'est que véritablement elles ne peuvent être laides.
"Les Paysans sous la royauté" par P. Joigneaux en 1850 :
... Quant aux femmes de paysans, leur toilette ne faisait pas non plus plaisir à voir. Presque partout, elles portaient le cotillon court, le tablier de toile montant, le petit fichu rayé et une coiffure qui changeait de formes selon les pays. Ce ne serait pas une mince affaire que l'histoire des coiffes villageoises. Ajoutez à cela que ces pauvres femmes ne portaient de bas qu'en hiver et le dimanche à messe et à vêpres, et que la plupart du temps, elles marchaient pieds nus dans la boue et dans la poussière, si bien que la peau de dessous devenait dure comme de la corne. Au jour d'aujourd'hui, cela se voit encore dans bien des pays, mais ce n'est plus comme autrefois. Voilà pour le costume des plus pauvres. Pour les autres, il y avait un peu de recherche. Si dans l'Alsace, par exemple, une femme était obligée de passer sa vie entière avec une seule robe, dans la Nièvre, ce n'était pas la même chose vers l'année seize cents et tant. Là, les paysannes aisées portaient des robes blanches, rayées de bleu ou de rouge, des robes qui prenaient bien la taille, un fichu froncé qui couvrait les épaules, des bas, des sabots garnis de pelisses fixées par un nœud de rubans et une cornette avec de la jolie dentelle.
En 1854, J-F BAUDIAU, curé de Dun-les-Places écrivait dans "LE MORVAND OU ESSAI GEOGRAPHIQUE TOPOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE SUR CETTE CONTREE" :
Les vêtements de nos Morvandeaux étaient jadis simples comme leurs habitudes, et aussi peu coûteux que leur nourriture. Ils se composaient exclusivement d'étoffes fabriquées dans la maison. C'était de la toile, du poulangis, du barraige à l'usage des deux sexes.
...Celui des femmes se composait d'une paire de sabots découverts et sans brides, d'un cotillon ou jupe de toile ou de barraige, d'un corset ou corsage à manches courtes et collantes; d'un mouchoir de cou ou fichu couvrant à peine les épaules, d'un devantié, ou tablier de toile, et d'une coiffe à barbe de même. En voyage ou dans les champs, elles se couvraient d'une cape ou capote de poulangis, assez semblable, ici, à la cucule romaine, là, au sagum des Gaulois.
Au milieu du XVIIIème siècle, au temps des habillements de toile - vêture traditionnelle -, les contrats de louée des servantes de fermes nivernaises précisaient quelques suppléments vestimentaires : chemise et paire de chausses ou "tabelier de grosse toille" ou encore "trois aunes de toile d’étoupe". Il était normal de demander de la toile claire, de la flanelle, un fichu, un devantier et un tabelier, et toutes les domestiques "invariablement, se faisaient acheter une croix en argent (croix-jeannette) et du ruban pour l’attacher".
En Bas et en Haut Pays, le costume des paysannes se composa, jusque vers 1880-1885, d’un caraco, d’un cotillon, d’un mouchoir de cou ou fichu, et d’un devantier, grand tablier à bavette ; pour s’habiller, des bas de laine blanche. Comme bijou, la petite croix-jeannette d’or ou d’argent, attachée au cou avec un ruban de velours, à laquelle les femmes mariées ajoutaient un cœur appelé coulant.
Joseph BRULEY - (Le Morvan cœur de la France):
"Une de mes grands-mères, qui a exercé la couture à Alligny-en-Morvan, dans la seconde moitié du XIXème siècle, et ma mère, qui l’a exercé jusqu’en 1918, possédaient de nombreux modèles de caracos (droits, à basques, à demi-ouverts, à cols ronds, à cols plats, etc.). Les Morvandelles, qui ont été de tout temps très coquettes, ne voulaient pas avoir toutes le même modèle et faisaient exécuter les modifications qu’elles préféraient, ou qui leur allaient le mieux. Il ne paraît donc guère possible d’affirmer que le caraco avait une forme tout a fait déterminée et que tel modèle a fait suite à tel autre modèle. Il y avait cependant une certaine uniformité dans le costume des personnes âgées qui adoptaient généralement un modèle droit, très simple."
Le caraco, que Dupin appelle corset et que Fanchy, notant son remplacement vers 1874 par un corsage à basques, définit comme un paletot venant à peine à la taille, presque toujours noir et souvent bordé de velours, était en général à manches courtes et collantes ; il tombait "dret sur le cotillon". En réalité, il y eut évolution lente du caraco "tout dret" au caraco en forme. Cette évolution ressort nettement de nos documents concernant la période 1830-1880 (Enquête 1954 - caracos provenant de Vermenoux, Fâchin, Château-Chinon et environs... portés pas les jeunes filles du groupe "Les Galvachers du Morvan") ; en Morvan se portaient, jusque vers la fin du XIXème siècle, des caracos de plus en plus ouvragés, nettement influencés par la mode citadine, avec manches longues et étroites, toujours très cintrés, de couleur noire ou foncée, à courtes basques avec fente ou pli creux.
Quant au grand devantier des aïeules, sa bavette montant jusqu’au cou était fixée au caraco au moyen d’épingles à tête. Peu de précisions pour les couleurs. DUPIN, nous les décrit pour dimanches, foires ou cérémonies, noirs ou verts ou de couleur voyante.
Lucien HERARD, président de la Société des Auteurs de Bourgogne :
"Le d’vanté ! Si j’ai connu cela ! Noué par derrière en boucle (comme lacets de soulier) c’était une taquinerie classique de le dénouer quand la fille tournait le dos. Cette taquinerie avait une signification libertine vague, et inconsciente. C’était me semble-t-il une simulation de dénouer la ceinture de la ferme, prélude et annonce de sa possession.
Symbolique, discrète (pas seulement morvandelle) qui se met au rang des pratiques du flirt (conter fleurette) comme le sucre mis, sans qu’elle s’en doute, dans le vin de sa cavalière aux noces. Une sorte de déclaration.
Tirer sur le noeud du d’vanté était plus paillard que sentimental mais c’était tout de même pudique. Curieux à une époque et dans un pays, où le gars en quête d’une partenaire déclarait tout cru : "J’I VAIS AI LAI FUMELLE !"
Combien de souvenirs scolaires vont affluer à la mémoire des moins jeunes à cette lecture. On ne se permettait pas de défaire le nœud de tablier de n’importe quelle fille. Il s’agissait de l’élue ou des élues au maximum. Et l’intéressée ne prenait pas cela comme un affront ou une moquerie! Heureux temps où cette approche du flirt était si légère. Les temps ont rudement changé n’est ce pas !
Le Docteur Bogros pouvait écrire, en 1873 qu’en Morvan, région de Château-Chinon, le devanté à bavette avait cédé la place au tablier et que le jupon de barraige était remplacé par une ample jupe de popeline.
Le cotillon, froncé à la taille et descendant jusqu’à mi-mollet, était confectionné en toile de barraige, avec des rayures de teintes vives, rouges, vertes ou bleues. Se porta, dès le milieu du siècle, surtout en Morvan, le long cotillon noir en popeline, "pour s’habiller", ce qui fit, avec le caraco à basques, et en forme, un ensemble peu seyant.
Le mouchoir de cou - fichu Marie-Antoinette - qui atteignit, en Morvan surtout, de grandes proportions, devint le grand châle dont les dessins étaient tissés avec le lainage ; il était retenu par une grosse broche de la même teinte que le fond du châle. Enveloppant, le grand châle, très en vogue, ne se portait plus, vers 1880 "que pour se marier".
Le châle - Groupe folklorique d'Autun (71) "Les Morvandiaux d'Autun" |
Motifs du châle du costume de mariée Musée du Costume - 58 Chateau-Chinon |
L’observateur des modes de 1826 – « De temps immémorial, les servantes, dans nos campagnes, portent des croix suspendues à un ruban noir : on appelle ces croix Jeannette parce qu’elles se donnent ou s’achètent à la Saint Jean, époque ordinaire des changements de condition ».
Bulletins de la Société́ d'anthropologie de Paris - 1883 - Mme Clémence Royer
Ces croix, souvent produites en série dans de grands ateliers, notamment à Paris, étaient revendues par les colporteurs. Généralement en argent ou en or creux, voire plaquées en métal doré, elles ne valaient pas très cher à l’achat.
Autrefois toute fille sage qui possédait, soit une bague, soit une croix Jeannette, se l’était achetée avec l’argent gagné à filer, à tricoter, ou à vendre au marché les œufs des poules des couvées qu’elle a fait éclore et qui constituaient alors généralement les petits bénéfices des fermières ou de leurs filles.
Les jeunes filles de ferme qui se louaient pour l'année, achetaient ce petit bijou avec leurs premiers gages, le jour de la Saint Jean : d’où son nom de "Jeannette". C’était sans doute une façon de franchir un cap dans la vie, de marquer le passage de l’enfance à la vie d’adulte. C’était aussi une façon de matérialiser l’acquisition d’un statut social nouveau, en se procurant par la même occasion un signe de foi et une petite parure de coquetterie féminine. La croix Jeannette pouvait aussi être offerte par un galant, en gage d’amour, ou achetée à l’occasion du mariage. Enfin, les jeunes paysannes pouvaient hériter de ce bijou.
En ce début de XIXème siècle, elle est en "barreige" c’est à dire en laine tissée sur trame de fil. "Barreige" ou "bariolée" car elle est rayée de larges barres voyantes et claires, raies rouges, bleues vertes, mauves sur un ton généralement bis. Plus tard, lorsque le coton se répandra par les colporteurs, le barreige sera pour l’hiver et en été on tissera le coton sur une trame de fil. Longueur: mi-mollet ou cheville.
Claude TILLIER, l’auteur nivernais, qui constatant l’uniformité des costumes des femmes et des hommes (pantalons et vestes) tous barrés de ces larges raies assurait qu’en Morvan, les moutons devaient être eux aussi d‘une toison barrée.
Et c’est ainsi que jusque vers les années 1860-1880 on vit nos morvandelles habillées de tissu fait de cette étoffe barrée. Vers 1850 pourtant on assista à l’apparition de cotillons (jupes plus amples) noirs descendant régulièrement à la cheville.
Simon de noter, en 1883, que le corsage séparé autrefois de la robe ou cotillon ne fait plus qu’un avec elle.
Désormais il s’agit réellement de robes de couleur rouge, verte, bleue, voire rayées en Amognes, noires ou de couleur foncée (beige, marron ou gris) en Morvan...
Cependant les couleurs vives primèrent vite partout ; Jules Renard pour la région de Chaumot-Chitry et Desforges pour la région de Fléty mentionnèrent les couleurs voyantes dont raffolaient les jeunes filles à la fin du siècle.
Vers 1880 on voyait fleurir en MORVAN les jupes de popeline, très amples portées sur des jupons légèrement empesés agrémentés de volants, festons, dentelles et noeuds de couleur. Les "jeunesses" ainsi qu’on appelait les filles, raffolaient des couleurs vives et gaies avec opposition de teintes (pas toujours heureuses) avec le tablier, alors que les personnes du beau sexe, plus mûres, et les vieilles s’habillaient en foncé ou noir.
C’est là qu’on place les explications sur les bandes de velours que l’on trouve un peu partout sur les jupes des provinces de France. Pour les uns il s’agit de faire une opposition de ton sur les couleurs des jupes. Pour les autres c’est par économie. Au fur et à mesure que la jupe s’usait on coupait le bas, on ajoutait un morceau du coupon précieusement conservé et on cachait la couture d’une bande de velours.
En général il est noir et s’attache par derrière d’un gros nœud. Il remplaça avantageusement le devantier.
D’étoffe fine, parfois même en soie, avec ou sans poche, il est orné de bande de velours noir sur sa partie inférieure et il ne couvre que le devant de la personne, descendant un peu sous le genou.
Bien sur cette "fantaisie" est réservée aux dimanches et fêtes et en aucun cas, en Morvan surtout, pour les travaux de la maison ou des champs. On conservait le pratique gourlasson, grande poche de toile retenue sous la robe par une ceinture.
Depuis longtemps - écrivait l’abbé Henry en 1875 - les femmes portaient une capuche de bouëge gris "dont elles s’enveloppaient depuis le haut des épaules jusqu’à la ceinture", y ajoutant quelquefois un capuchon; le même auteur remarquait toutefois qu’"aujourd’hui, c’est un manteau qui descend des épaules aux pieds".
Claude Tillier parle dans son conte "Comment le Capitaine eut peur", rédigé en 1832, du capuchon, sorte de saie gauloise avec cape en laine (tridaine bleue avec retroussis de couleur plus sombre) ou thérèse en indienne contre la pluie (La Tirèze ou Taraize tourangelle). Et le Dr Bogros qui rapporte cette note mentionne que le capuchon s’est, vers 1880, transformé en talma.
Ainsi évolua la capuche - parfois à collet rabattu sur les épaules - pour aboutir au long manteau, sorte de limousine ainsi que le qualifiait Dupin aîné.
Il est certain que, pour le travail des champs, la capuche était plus pratique, n’entravant pas la marche ; c’est sans doute pourquoi Morlon put encore rencontrer en 1867, près de Préporché, une gardienne de porcs ayant, sur les épaules, un petit capuchon de grosse toile bleue (Promenades en Morvan).
Un seul auteur, Simon, dont les observations sont valables pour la région de Frétoy, près Château-Chinon, mentionne le grand capuchon à têtière semblable au caban, mais sans manches, confectionné en bouëge, en signalant que, sauf vers Arleuf et Châtin, il avait disparu dès 1880, concurrencé par le parapluie.
On ne doit pas oublier ces grands parapluies à carreaux rouges et bleus, attachés avec un cordon blanc, ni ces fameux "parapluies d'escouade" en coton rouge et bleu, si commodes pour abriter la maisonnée se rendant à la messe en voiture à âne, alors qu'il pleut ou que tape trop fort le "bourguignon".
Henri Vincenot, dans "La vie quotidienne des paysans bourguignons au temps de Lamartine", écrit :
"C'est à partir de douze ans que la peau et les toisons féminines devaient être dérobées à la vue de tout un chacun, mais surtout des garçons, et cette interdiction était matérialisée le jour de la communion par le port du voile blanc qui cachait entièrement la chevelure.
Ces dispositions puritaines s'étaient installées d'elles-mêmes dès le début du siècle, en réaction sans doute contre les excès de la période révolutionnaire, où l'on avait vu des femmes débraillées et "en cheveux" dans la rue.
Aussitôt la communion faite, la chevelure des filles était considérée comme un élément de coquetterie, donc de désordre social.
Personne ne devait la voir dépeignée. Il fallait que ses cheveux fussent noués en chignon et, en dehors de sa maison, emprisonnés sous le bonnet, bonnet en batiste fine, blanche, à bords tuyautés, et noué sous le menton par deux bridons cachant les oreilles. La fille qui, volontairement ou non, laissait passer sous le bonnet quelques cheveux fous sur la nuque était très mal jugée, et, lorsque au cours d'un rigodon ou d'un travail plus animé, le bonnet se déplaçait et que, ô scandale, la chevelure se dénouait, la fille, morte de honte, s'éloignait vivement et dans un endroit discret, hors de la vue des mâles, se hâtait d'emprisonner sa chevelure dans la coiffe et de réajuster les brides. Elle hésitait longuement à reparaître aux yeux de ceux qui l'avaient vue décoiffée.
Seule pouvait être apparente la naissance des cheveux sur le front, à condition encore qu'ils fussent lisses et divisés en deux bandeaux bien "convenables", c'est-à-dire symétriques.
La plupart des enfants n'avaient jamais vu les cheveux de leur mère, ni ceux de leur grand-mère, et ils étaient tout étonnés, à l'occasion d'une maladie ou d'un accident, de voir flotter leur chevelure, souvent très belle.
Ce fut le cas d'un de mes ancêtres qui, vers l'âge de douze ans, ayant vu sa mère décoiffe, à la suite d'un malaise en plein champ, s'enfuit effrayé en hurlant "Elle a des cheveux!"
La vue des cheveux dénoués était réservée à l'époux. Pratiquement le bonnet était mis dès le lever, dans le secret de l'alcôve, à l'abri des rideaux épais du baldaquin, soigneusement tirés. Il n'était enlevé que le soir, au coucher, derrière les courtines."
Héritière du petit bonnet de toile, la coiffe, plus ou moins ornée, de grosse toile, de soie ou de dentelle, affecta longtemps sur de nombreux points de la province une forme identique avec le souci, semble-t-il, de cacher les cheveux par une sorte de pudeur que l'on retrouve partout. Et l'évolution de la coiffe montre - ce qu'a observé Sébillot pour la Bretagne et Dauzat pour l'Auvergne - la tendance à dégager le front et à faire voir, sans doute par coquetterie, de plus en plus de boucles brunes ou blondes.
A une époque que l'on peut situer dans la première moitié du XIXème siècle s'était généralisée une coiffe noire pointue qui se maintiendra dans la région des Amognes jusqu'au début du siècle suivant sous le nom de "cannette", en marquant toutefois une assez nette évolution.
Les témoignages concernant cette "cannette" paraissent contradictoires, mais il ne faut oublier que tel petit pays ne réagit pas en même temps que tel autre, ni de la même façon : la nouvelle coiffure était réservée en Bazois, pour les grandes occasions ; en Morvan, au contraire, on l'adopta pour l'ordinaire sous le nom de "bounette" (que l'on portait souvent en guise de bonnet de nuit).
Coiffe noire ou cannette Musée du Costume - 58 Chateau-Chinon |
Coiffe noire ou cannette Musée du Costume - 58 Chateau-Chinon |
En somme dura, pendant près d'un siècle, des bords de la Loire à l'extrême limite du Morvan, ce que l'on peut appeler la guerre des bonnets : "cannette contre coiffe blanche". Cette dernière remporta la victoire plus ou moins rapidement suivant les régions mais son triomphe fut sans lendemain : le chapeau vint mettre tout le monde d'accord à la veille de la guerre de 1914.
On parle encore de cette "pauvre cannette tournant ben en rond" dont la couleur sombre en faisait une coiffure assez sévère, mais qui s'orna de tuyautages de plus en plus nombreux, allant jusqu'à cinq en Amognes où elle était généralement portée. Elle se composait de deux parties distinctes : la calotte noire tenant les cheveux ("Pas un cheveu ne dépassait la canette qui s'élargissait en auréole au-dessus de la tête" écrivait Th. Bentzou en 1876 dans la "Revue des Deux-Mondes"), sur laquelle était fixé un bonnet monté avec fond de tulle ou de dentelle, et tuyautage.
Apparurent, dans la seconde moitié du XIXème siècle, les calottes claires, les cannettes de couleurs vives et tranchées, avec dentelles noires, qui devinrent, à la fin du siècle, les coiffures de la semaine. Le dimanche, les paysannes aisées et "coquettes" remplacent la cannette par des coiffes blanches de tulle ou de percale, ornées de légères et gracieuses broderies et de riches dentelles. Ces coiffures sont formées au moyen d'un calot matelassé et piqué à la manière de nos couvre-pieds, et laissant échapper le chignon par derrière. Les "jeunesses" ne regrettèrent pas la coiffe de leurs mères et grands-mères, coiffe dont le montage exigeait un long et minutieux travail : qu'on pense aux heures passées à tuyauter quatre ou cinq bandes de dentelle à l'aide de pailles de seigle, aux précautions à prendre pour que le fer, posé sur la préparation recouverte d'un linge humide, ne l'écrasât ni ne la roussît !
Il est certain qu'en Morvan (régions de Lormes, Ouroux, Château-Chinon) comme en Bazois se porta la coiffe noire pointue. Il est non moins certain qu'en d'autres points du Nivernais et du Morvan prévalut le bonnet que Claude Tillier décrit ainsi, vers 1830 : "un large et épais bonnet d'indienne piquée, derrière lequel se carre un large chignon" et qui devint plus enrubanné, plus tapageur, se différenciant suivant les régions ainsi qu'a pu le relever le crayon du commandant Barat, ainsi que s'est plu à le rimer Achille Millien :
… Bonnets plats à rubans, d’Arthel et de Moussy,
Bonnets à pointe des Amognes, coiffes rondes
A grande oreille, à calot large ou rétréci...
En Morvan, vers 1850 :
Le petit bonnet ou dorlotte garni de grosse blonde noire, la coiffe à barbe de toile, et, dans la région de Frétoy, les grandes coiffes blanches en toile, empesées avec des pommes de terre, et repassées avec une grande cuiller à soupe en fer.
Environs de Nevers - 1880 Bonnet blanc à brides - Tuyautages et fond bouffant |
Portrait de jeune fille, à mi-corps de profil. Elle porte une coiffe et un foulard autour du cou. Faïence, décor de grand feu (polychrome) exécutée à Nevers en 1879 Gustave Jean Louis Mohler - 1836 / 1920 Musée municipal Frédéric Blandin - 58 Nevers |
Aux environs de Nevers, à Marzy et dans le Val des Nièvres :
Un bonnet à fond bouffant sur le haut de la tête, orné de plusieurs rangs de tuyautés courts en avant et cachant la nuque en arrière.
Vers Alluy, en Bazois :
Le haut bonnet avec tuyautage, héritier du hennin de la fin du moyen-âge.
Quelque trente à quarante ans plus tard, c'est toujours, en Morvan, le bonnet blanc à brides, plat du fond, avec tuyautage (la pantine) mais aussi la "petite coiffe seyante de fine étoffe", le bonnet sans brides orné de dentelles ; en Bazois, Jules Renard peut parler, en même temps que des cannettes, de "hauts bonnets légers qui font paraître jeunes les vieilles et vieilles les jeunes".
Juste avant la guerre de 1914 s'était généralisé le bonnet blanc à larges brides, ce qui avait fait écrire au comte de Damas d'Anlezy dès 1907 que "les femmes n'ont plus guère de particulier que le bonnet bien connu qu'on voit aux nourrices".
Indiennes est le terme générique qui désigne à la fois les cotonnades indiennes imprimées et leurs imitations européennes, en référence aux lointaines « Indes » dont elles proviennent, dès le XVIe siècle. Ces toiles de coton sont peintes ou imprimées à la planche de bois puis pinçeautées. On les appelle parfois perses quand elles viennent d'Iran. Grâce aux Compagnies des Indes, les échanges s'intensifient entre l'Europe et l'Asie durant le XVIIe siècle.
Indiennes : Toiles de coton peintes de diverses couleurs & figures , dont partie viennent des Indes Orientales , & partie se font en Europe , sur tout en Hollande, en Angleterre, à Hambourg, en Allemagne , en Suisse & à Genève. Toutes les Indiennes, de quelque couleur & façon qu'elles soient, connues sous le nom de toiles peintes, étoient défendues en France par quantité d'Arrêts & Déclarations, & notamment par Arrêts des 26 Mars 1742 , & 24 Mars 1744 , à peine de confiscation & de 3000 liv. d'amende. Mais par Arrêt du Conseil du 28 Octobre 1759 Sa Majesté en permet l'entrée dans le Royaume par les Ports de Bayonne, le Havre, Rouen, Nantes, Bourdeaux, & par les Bureaux de Valenciennes, S. Dizier, Jouques, Pont-de-Beauvoisin, Septem & la basse ville de Dunkerque, en payant 15 pour cent de leur valeur.
Sa Majesté s'étant déterminée à permettre à ses Sujets de peindre & imprimer les toiles de lin , de chanvre , de coton & autres matières , suivant l'Arrêt cité ci-dessus , on croit servir le public en ajoutant ici un mémoire fidèle & exact de la manière dont les chittes, perses ou indiennes se font aux Indes.
Manuel historique, géographique et politique des négocians - Jean Paganucci - 1762
Après 1759
À la fin de la prohibition, en 1759, d'importants centres d'indiennage se développent en France autour de cinq pôles de production : Nantes, Paris - avec la célèbre manufacture royale de Jouy-en-Josas fondée en 1760 - Marseille et la Provence, Lyon, Bolbec et les environs de Rouen, et Mulhouse, enclave républicaine protestante pas encore rattachée au royaume de France (1798), qui a échappé aux lois de la prohibition et pris une avance considérable ; son industrie florissante de l'imprimé haut de gamme durera tout le XIXe siècle.
À partir des années 1770 en Angleterre, 1780 en France, 1800 en Suisse et en Allemagne, l'industrie cotonnière européenne connaît une révolution à la fois technique et économique. Des ateliers artisanaux côtoient des manufactures qui peuvent regrouper plus de mille employés. En même temps que l'émergence de la classe moyenne, l'indiennage entre dans l'aventure industrielle.
Mme MESSNER, née le 5 février 1860 à Savigny-lès-Beaune
"Les très vielles femmes avaient : une coiffe en indienne violette et noire bordée de dentelle de laine noire, un devanté (tablier) de toile bleue sur leur cotillon de droguet ou d'indienne, selon la saison. Elles sortaient par tous les temps, pas bien frileuses, et s'il pleuvait, les plus vielles mettaient sur leur tête pour se garantir de la pluie leur chépya, énorme disque de 90 cm à 1 m. de diamètre en épais feutre grossier, qui, avec fond qui le fixait sur la tête , les abritait comme un parapluie".
Clamecy, dans cette dernière ville, un détail de costume me frappa dès mon arrivée ; c'était le crêpe noir que portaient sur leurs bonnets blancs un très grand nombre de femmes : presque toutes étaient en deuil d'un mari, d'un père ou d'un frère. A la suite des événements du Deux-Décembre [1851] et de la résistance organisée par les habitants de Clamecy contre l'Empire naissant, plusieurs centaines d'entre eux, victimes de nos discordes civiles, avaient été déportés en Afrique et nombre de ces derniers y avaient péri.
Promenades en Morvan - Louis Albert Morlon - 1921
"J'ai connu les coiffes blanches et les coiffes noires. Je ne sais plus si celles-ci étaient portées seulement par les veuves ou si toutes les femmes vieilles (à cinquante ans elles étaient vieilles) s'en coiffaient.
Quant à celles mi-blanches mi-noires, je crois en retrouver au fond de ma mémoire. Serait-ce le signe du demi-deuil, ce noir corrigé de blanc qui se retrouve dans le costume féminin après X mois de deuil ?
Entre 1915 et 1918, beaucoup de prostituées se costumaient en prétendues veuves de guerre, en ville. Mais le noir n'étant pas commercial, elles adoptaient le demi-deuil."
Lucien HERARD, président de la Société des Auteurs de Bourgogne
Journal du groupe folklorique "Les Enfants du Morvan"
Notre étude des cannettes nous a valu une très intéressante communication d'un de nos correspondants parisiens qui désire garder l'anonymat.
Ce correspondant nous fait part de quelques réflexions personnelles sur l'apparition des cannettes noires en début de XIXème siècle:
Il aurait entendu dire par une de ses grand-mères maternelles de RECLESNE, que dans le MORVAN, les femmes mariées ou promises, qui attendaient leurs époux ou leurs fiancés partis depuis de longues années (guerre de l'EMPIRE!!!) au service militaire ou pour leur TOUR de FRANCE de compagnon, portaient une coiffe noire.
Ce n'était pas un signe de deuil mais un signe d'attente ou de promesse de fidélité.
Cette grand-mère qui parlait ainsi par ouï-dire lui a dit également que dans les années 1855, toute jeune promise elle-même, elle avait porté une coiffe noire sur sa coiffe blanche tout le temps que dura la campagne de CRIMEE où son futur mari servait.
Nous remercions vivement ce correspondant qui nous rapporte ces souvenirs très précieux et attire notre attention sur le port de ces deux coiffes.
En 1978 une reconstitution d'un cortège morvandiau à PRECY-sous-THIL nous a permis de constater la présence d'au moins 8 de ces coiffes doubles, blanche recouverte d'un bonnet noir léger. A notre demande d'explications, une personne de DOMPIERRE en MORVAN, nous répondit qu'elle avait vu une arrière grand mère et deux de ses grands mères coiffées de cette façon avant I9I4. Sa double coiffe appartenait à l'une de ses aïeules.
Un peu d'histoireLes grands événements de la vie
Petites précisions
La coiffe et les cheveux
La cannette, la bounnette, la dolotte, la calotte, la coiffe noire pointue
le bonnet piqué en indienne
La coiffe à barbe
Le calot matelassé
La grande coiffe blanche, le haut bonnet
La pantine
La petite coiffe
Le bonnet monté
Le baptèmeLa vie au fil des jours
La communion
Le mariage
La promesse de fidélité en cas de longue abscence
Le deuil
De la naissance à l'adolescence
Le travail au fil des saisons
Les bonnets de métiers
La vie dans la maison
Les sorties dominicales et les jours de fête
Les coiffes « prêtes à porter »La confection des coiffes par les lingères
Les colporteurs, les mercierset les fournitures
Les tissus
Les broderies
Les dentelles
Les rubans
Les accessoires
La coutureL'entretien des coiffes - Extrait du N°179
La coupe du tissu
L'assemblage des morceaux
La préparation du lingeLa fin des coiffes
Le lavage
L'empesage
Le repassage
Le rangement
L'abandonLa renaissance du patrimoine
L'oubli
La découverteLes coiffes nivernaises, interprétées par les écrivains et les artistes
Que faire de ces coiffes ?
Les coiffes conservées par leur famille
Quelques documents, datant du milieu du XIXe siècle, représentent encore les femmes nu-pieds : il s'agit de paysannes aux champs ou occupées aux gros travaux de la ferme.
Depuis longtemps se portaient les « souliers de bois », les lourds sabots couverts, garnis d'une peluche ou de peau de mouton.
Bien avant la fin du XIXe siècle, le sabot couvert fit place le dimanche, au sabot à bride. Et c'est la fameuse claque qui se maintiendra jusqu'à nos jours, le sabot à bricole découpé "jusqu'au bout du nez", comme dans tous les pays du Centre où sa forme était identique.
Généralement pour s'isoler du bois on mettait de la paille comme semelle. Mais pour les dames, on imagina des plisses, semelles de paille tressée. Ainsi paillé, le pied était toujours parfaitement au sec.
Les sabots du dimanche, à demi-découverts, laissaient voir les bas de laine blanche. Ils étaient à coussins (à brides), de couleur jaune claire, vernis et ouvragés de dessins sculptés dans le bois avec un outil spécial. Les sabotiers morvandiaux avaient acquis dans la fabrication des sabots de bois une grande maîtrise.
Lors d'un mariage de paysans aisés, en 1815, dans la région de Saint-Benin-d'Azy (Amognes) la mariée avait une robe de couleur de grosse bourette, un devantier de soie noire, un châle de cachemire et une coiffe blanche.
Vers 1850, au dire de Desforges la toilette de la mariée consistait en une robe de couleur plus ou moins voyante et un "châle imitation des Indes", ce qui corrobore l'assertion de Duvivier: "le plus souvent son vêtement n'est pas blanc".
Dans les régions de Château-Chinon et de Villapourçon, la robe était noire ou de couleur foncée - nous avons vu que la couleur sombre était plus particulière au Morvan -, en popeline, avec corps ajusté tenant à la jupe très froncée. A la taille, une large ceinture de ruban blanc, nouée sur le côté, avec pans descendant jusqu'à terre. Un grand châle en cachemire recouvrait les épaules. Etait juché sur la tête une énorme couronne de fleurs d'oranger avec, parfois, quelques pans. Aux pieds, des sabots ou des souliers "suivant la richesse".
Vers 1900, aux alentours de Fléty, la mariée revêtait une robe bleu ciel ou vert d'herbe, ornée d'une ceinture blanche, robe qu'elle portait ensuite "tous les jours qu'elle se mettait en toilette" ; l'usage du voile était bien établi.
Dans les questions de vanité, plaisir d'égoïste, les femmes sont naturellement féroces ; la femme est extrême en tout.
Lutter de luxe pour la toilette, c'est naturel; que l'on aille même jusqu'à se priver dans son intérieur, afin de faire montre au dehors de belles robes et de beaux diamants, je le comprends jusqu'à un certain point : la toilette de la femme est quelquefois une condition de crédit pour le mari.
Ce que je ne comprends pas, c'est que la société ait trouvé moyen de faire parade d'une situation qui crée aux femmes une sorte d'infériorité.
Je veux parler des nourrices.
Nourrir son enfant est, pour la mère, un devoir de nature ; que si la nature, cela arrive souvent, surtout dans la vie agitée et sans air de Paris, se montre avare ou trop parcimonieuse de ce qui agrémente les poitrines et nourrit les bébés, ou bien si les conditions de l'existence sont telles qu'il y aurait danger pour la mère et pour l'enfant, trop à l'étroit dans une boutique ou dans un petit appartement, on prend une nourrice; c'est une nécessité : on en a fait un luxe et une gloriole.
Allez aux Tuileries, au Luxembourg, au parc Monceau, au Palais-Royal, allez dans les parcs et les jardins où l'on conduit les enfants pour leur faire prendre l'air et les faire jouer: vous verrez la plupart des mères de famille accompagnées de femmes portant un costume mi-partie de dame et de servante, un costume quasi étranger, remarquable surtout par une coiffure tourmentée, tarabifiscotée de dentelles et de ruches, terminée par deux rubans très larges et qui descendent jusqu'aux talons. Ce sont des nourrices.
Costume de nourrice Groupe folklorique de Dijon (21) : "Les Enfants du Morvan" |
Couronne et bonnet de nourrice avec ses épingles Musée du Costume - 58 Chateau-Chinon |
Costume de nourrice Groupe folklorique de Dijon (21) : "Les Enfants du Morvan" |
Nous signalons avec plaisir aux jeunes mamans que cela intéresse, la tendance très marquée que l'on a à abandonner les immenses garnitures de bonnet de nourrice, ces grands rubans lourds et traînants qui chargent la tête d'une façon si incommode et presque ridicule. En effet, maintenant, un bon nombre de nourrices, et non des moins élégantes, portent le bonnet Bourguignon en dentelle double de soie rose ou bleue, sans aucune garniture, coiffure très avenante et commode. D'autres ont le bonnet de mousseline brodée avec la couronne de rubans beaucoup plus étroits et sans pans.
Les coiffes locales reprennent aussi faveur et l'on voit un certain nombre de Bretonnes avec la coiffe relevée, des Bordelaises avec le fichu de soie si gracieusement enroulé autour des cheveux, des Florentines avec les longues épingles d'or piquées dans leurs nattes, les Espagnoles portant la mantille de dentelle, sans oublier le grand noeud alsacien. Ces coiffures, toutes jolies et seyantes, sont surtout plus sensées, plus raisonnables que les rubans dont l'exagération fait ressembler les nounous de Paris à des mats de vaisseau chargés de signaux.
Le Gaulois - Mercredi 12 janvier 1898
On nous demande quelques renseignements au sujet des bonnets de nourrice que l'on aspire à débarrasser des larges rubans flottants si incommodes et en réalité a une ornementation si anormale.
Nous indiquerons en première ligne le traditionnel bonnet bourguignon en fine broderie sur tulle ou belle mousseline, doublé de bleu ou de rosé. Un autre genre très soigné également est de faire entourer la passe du bonnet non doublé d'un ruban de satin blanc de moyenne largeur simplement attaché derrière avec un noeud à deux coques et deux pans de trente centimètres de longueur.
Un genre très gracieux est le même bonnet orné de deux gros choux en coque de rubans, de couleur claire placés assez en l'air et en avant, à l'endroit où le bonnet est fixé par deux épingles. Ce petit arrangement à la 1830 convient très bien au visage d'une fraiche paysanne. Lorsque les nourrices continuent à donner leurs soins aux enfants qui ont grandi, elles portent le bonnet brodé sans ruban ; un large tablier de taffetas noir, garni de guipure, ou même en lainage noir fin avec ornements de dentelle, et la veste de drap noir. Leur tenue est ainsi très convenable pour accompagner les enfants qui ont quitté la robe du bébé.
C. - Le Gaulois - Samedi 19 mars 1898
Couronne en beau ruban écossais, marine et blanc, marine et rouge, noir et blanc Largeur : 16 ou 20 cm |
Bonnet de nourrice à fond fleuri, brodé à la main |
Costume en beau zéphyr, damier noir et blanc, rayure couleur haute nouveauté, la pelisse garnie entre-deux broderie anglaise |
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Bonnet de nourrice petits semis, sur fond de mousseline |
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Bonnet de nourrice à petites fleurs détachées, brodées à la main |
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La gardeuse d'oie. Faïence, décor de grand feu (polychrome) godronné Exécutée à Nevers fin XIXème siècle par Antoine MONTAGNON Musée municipal Frédéric Blandin - 58 Nevers |
Scène champêtre. Faïence, décor de grand feu (polychrome) godronné Exécutée à Nevers fin XIXème siècle par Antoine MONTAGNON Musée municipal Frédéric Blandin - 58 Nevers |
Dès le XVIe siècle, nous voyons les paysans s'efforcer d'imiter les bourgeois. Les rois mêmes sont
obligés de leur défendre de porter «pourpoints de soye, chausses bandées ou bouffées de soye.»
Sous Louis XIV (1638-1715), on garde à peu près le même costume ; le pourpoint est de tiretaine ou de drap gris, quelquefois de serge grise garnie de rubans noirs ; le manteau de bouracan couleur musc, de drap gris de fer ou rose sèche. Le pourpoint recouvre la chemisette de drap ou de laine, voire même de peau de cerf à boutons d'argent, sorte de gilet court, qui garnit le dos, les bras et la poitrine.
Depuis le milieu du XVIIe siècle, les paysans revêtaient aussi le justaucorps, espèce de veste qui descendait jusqu'au genou et s'ajustait à la taille.
Avec le règne de Louis XV (1710-1774), l'habit, la veste et la culotte se montrent partout dans les campagnes.
L'habit est de drap, d'espagnolette, de bouge, même de velours de laine ou de peluche ; la nuance en varie du bleu au gris, au gris de fer, à l'olive, à l'ardoise, au poil de souris ; il y en a de couleur cendre et de couleur musc. L'étoffe des vêtements, qui dans les contrées reculées peut être tissée par la femme du paysan, provient aussi des fabriques éloignées....
La veste, souvent doublée de serge, peut être d'impériale ou de basin; d’ordinaire, comme la culotte, elle est de drap assorti ou semblable à l'habit ; ou d'étoffes solides et spéciales comme le fort-en-diable dont on fait aussi des habits.
On réserve pour le travail ou pour l'intérieur le bonnet de drap noir, brun ou écarlate que l'on avait sous François 1er (1494-1547). Le chapeau noir, blanc ou gris, à larges bords, sera relevé sur deux ou trois côtés, sous Louis XV, et si ses moyens le lui permettent, le paysan le garnira d'un bord et de boutons de fil d'argent. S'il a des sabots pour le travail, il a toujours une paire de souliers et des bas de laine qu'il met le dimanche.
Petite figurine en verre de lait ( pâte de verre, étiré à la lampe) faisant partie d'un ensemble de quatre, vêtue d'un costume masculin composé d'une culotte bleue resserrée au genou, de bas blancs, d'un long gilet blanc, et d'une veste bleue ouverte. Autour du cou, une écharpe blanche est nouée. Les cheveux noirs tombent sur les épaules coiffés d'un chapeau plat noir. Le personnage tient dans chaque main un foulard blanc, et porte dans le dos une hotte de colporteur. Il repose sur une terrasse circulaire verte.
Conservateur des musées de Nevers : Pour la datation, il s'agit d'une production 18e, et plutôt début 18e siècle (en concédant que dans cet artisanat, comme dans beaucoup d'objets d'art non datés, une erreur de + ou - 25 ans est possible) :
1°) Ce sujet fait partie d'un groupe des quatre saisons et certains autres personnages reprennent des éléments dans le costume qui sont largement d'avant 1750 ;
2°) Stylistiquement, la réalisation de la figurine est plus conforme à ce qui se fait au 18e siècle. Petit détail : les émailleurs réalisaient parfaitement le verre rouge depuis le début du 17e siècle, et n'auraient pas manqué de faire figurer la jarretière rouge qui orne les guêtres des paysans, par goût de l'ornemental.
3°) la production des verres filés connait son heure de gloire au 17e et dans la première moitié du 18e. Ensuite la qualité s'amenuise jusqu'à tendre à la médiocrité au 19e siècle. Après la Révolution, cet artisanat s'en tient principalement à la production de perles, de verroteries et les quelques sujets traités sont des sujets religieux.
4°) Je connais d'autres représentation de vêtements paysans réalisés au 18e siècle, et qui présentent les mêmes caractéristiques : tableaux (Les oeufs cassés de J.B. Greuze date de 1756), faïences, gravures.
Description de ces lourds paysans du Morvan par AUDIGER G. :
Le vêtement des hommes est d'une étoffe très commune, et l'art du tailleur, chez eux, ne consiste qu'à savoir assembler, par une couture fort grossière, plusieurs morceaux qui forment, à ce qu'ils disent, une veste et une culotte, de la façon desquelles on ne se plaint jamais, car elles peuvent aller presque généralement à tout le monde. Leurs chapeaux à larges et flasques bords détroussés, s'ils les garantissent du soleil, par la pluie doivent les inonder. La chaussure habituelle de l'un et l'autre sexe est le modeste sabot sans courroies, le plus souvent chaussé à nu.
Se voyaient le dimanche, sur la place de l'église, à Saint-Honoré- les-Bains, "les daumières à larges basques, les culottes de poulangris, les longues guêtres de même étoffe, retenues au genou par un cordon de laine rouge, et le vaste chapeau colmelle qui préservait du soleil et de la pluie, suivant qu'il ventait de bise ou de galerne". Voilà bien tenue classique - comparable à celle du vieillard de l'Accordée de village de Greuze - sur laquelle Dupin aîné donne quelques détails en spécifiant que les hommes un peu aisés "portaient un haut-de-chausse avec de longues guêtres remontant au-dessus du genou et fixées au-dessous par des jarretières de laine rouge. Un bon gilet en molleton blanc pour l'hiver leur croisait sur la poitrine ; ils avaient une veste à manches appelée chemisette et, par-dessus, une daumaire..." et ajoutant que "ce costume bien porté par les hommes d'un âge mûr et par les vieillards avait une certaine gravité".
La chemisette, vêtement de dessous et que l'on appelait "semîiot ou c'miyôle" : c'était une courte veste en toile de coton bleu, en laine noire ou en bouëze bleu ou gris "qui ne descendait que jusqu'aux reins" et qui se passait sur la chemise de toile au haut col tout droit.
HUGO Abel Joseph ( 1798 - 1855 ) dans "La France pittoresque" - Département de la Nièvre - 1835, décrivait ainsi le costume :
"Le costume des habitants de la Nièvre, formé d'étoffes du pays, parmi lesquelles le poulan gris (toile inusable faite d'un mélange de laine et de fil) tient la première place, est simple et commode. Des sabots pour chaussure, des chaussons de laine, un large pantalon, un gilet croisé sur la poitrine, une veste un peu étroite, mais pouvant aussi se boutonner, tel est le vêtement complet d'un paysan. Il porte les cheveux longs et couvre sa tête d'un chapeau à forme basse, mais à larges bords, que soutiennent de longs cordons entrelacés autour de la forme. Pendant l'hiver, ses vêtements sont d'étoffes de laine, le plus communément grises ou brunes ; pendant l'été, une toile écrue, grossière mais solide, et faite avec les fils du pays, remplace le drap."
Le dessin illustrant cette description est particulièrement précis quant à la vêture masculine: les deux hommes portent veste courte, pantalon, vaste chapeau aux bords maintenus par des rubans; le col de la chemise est fermé par un noeud de ruban ; les cheveux sont longs qui cachent sans doute les anneaux de cuivre fixés aux oreilles.
Pour les hommes, ils ont encore dans leur costume moins de prétention que ces dames; en toute saison ils vont pieds nus dans de gros sabots : vous diriez que la laine rayée est l'épiderme des naturels du pays; jamais les ciseaux des couturières morvandelles n'ont coupé d'autre étoffe. Les vestes et les pantalons sont invariablement rayés comme les jupes, je serais même tenté de croire, si je n'avais pas vu de moutons dans le Morvand, que leur toison y est rayée. Tous les hommes, les enfants même, portent un chapeau rond dont les bords sont d'une largeur si démesurée, que trois amis, sous celte galette de feutre, pourraient aisément s'abriter d'une averse. Ces braves gens, vus du haut du clocher, quand ils s'arrêtent, au sortir de l'office, devant le porche de l'église, pour deviser de leurs affaires, vous feraient l'effet d'une couche de grands champignons noirs.
Représentant du Peuple, membre du Conseil général du département de la Côte d’Or
En général, les paysans étaient si mal couverts, si déguenillés, qu'un seigneur qui se nommait Michel Montaigne a dit, dans un gros livre, qu'il y avait plus de différence entre ses habits et ceux des villageois de son endroit, qu'entre un homme nu et les vêtements de ces mêmes villageois, ce qui signifie qu'ils étaient tout déguenillés, tout couverts de pièces et de morceaux, tout chargés de loques. Les cultivateurs et manouvriers un peu à leur aise portaient le dimanche des pantalons de droguet ou de tiretaine, des souquenilles que nous appelons aujourd'hui des blouses, et des bonnets de laine plus souvent que des chapeaux. Ceux qui étaient riches et qui avaient de l'orgueil portaient à la ville ou aux offices de la paroisse l'habit et les chausses de couleur bise, des brodequins ferrés qui leur allaient aux mollets, et un chapeau bas à larges ailes, à peu près le même qui était de mode au temps du roi Louis XI.
Dans le haut-Morvan, nous pouvons dessiner encore, d’après nature, les anciens costumes portés par les vieux habitants. Les jeunes ont déjà beaucoup modifié les leurs. Dans cinquante ans tout ce pays sera transformé : on cherchera vainement les traces des antiques coutumes, et aussi le souvenir d’une foule de croyances que nos esprits-forts d’aujourd’hui traitent de superstitieuses.
Annuaire historique du département de l'Yonne : recueil de documents authentiques destinés à former la statistique départementale. 1851. Description de la vallée de l’Yonne
Les femmes n'ont pas une coiffure qui leur soit propre comme dans la Bresse et dans le Mâconnais. Le vêtement qui les distingue est une cape noire d'un tissu très serré et presque imperméable qui les couvre de la tête aux pieds.
Autrefois les Morvandeaux, quand ils voyageaient, se mettaient à l'abri de la pluie au moyen d'un manteau de paille absolument semblable à ces espèces de cône dont on se sert pour couvrir les ruches et les défendre de la pluie et d'un soleil trop ardent. Pour les fabriquer, ils prenaient une mèche de glui qu'ils liaient fortement au-dessous des épis et qu'ils plaçaient sur leur tête, en se ménageant une ouverture pour pouvoir se diriger, et dont ils éparpillaient tous les tuyaux autour de leur corps cette excellente couverture, qui ne leur coûtait rien, est abandonnée aujourd'hui pour le parapluie beaucoup plus incommode et très peu utile contre le mauvais temps.
Topographie et statistique médicales de la ville et de la commune d'Autun
"Le costume des hommes consistait en une paire de sabots assez grossièrement faits, en deux guêtres boutonnées le long de la jambe et attachées au-dessous du genou avec une longue jarretière en laine; en un haut-de-chausse de même étoffe, une "daumère" ou surtout de toile grise tombant presque aux talons, un bonnet de laine..."
On appellera longtemps encore culotte le pantalon, la bavoire - le pont - résistant à la mode de la braguette. la coutrère, la couturière morvandelle qui confectionne les vêtements d'homme, "ne manque jamais de demander en entrant dans une maison si l'on veut des culottes à braguettes ou à bavoires".
le haut-de-chausse, la culotte à genoux "d'oueille", comme on l'appelait, s'est allongée en pantalon, tandis que la vaste "domaire" en "tridaine", sorte d'habit à la Louis XIV, aux pans carrés, descendant jusqu'à mi-jambe, s'est raccourcie à la hussarde;...nous ne comptons plus guère que deux vestiges du passé qui aient tenu bon jusqu'ici contre l'envahissement de la mode: la "bliaude" et le sabot.
Homme assis les deux mains appuyées sur sa canne. Il porte un pantalon de travail ("bleu") sale et un large chapeau noir ; un mouchoir sort de sa poche. Sur le dossier de son siège pend un manteau ou une cape.© Musée de la faïence Frédéric Blandin NEVERS
Il semble que le manteau, sur le dossier, soit une limousine ou cape de berger, du style de la photo de droite.
Limousine photographiée au Musée du Costume de château-Chinon :
Désignation : H / Survêtement / manteau : Gris - Rayures brunes - Petite cape sur les épaules - Manteau de berger dit "Limousine" - Provenance : Morvan - Epoque : 1880 - Etat de conservation : moyen - Matière : Laine Sergé
La description de Fernand Wagnien résume l'état du costume vers la fin du XIXème siècle :
"... un pantalon large et serrant la taille de manière à faire des bretelles un luxe inutile ; un long gilet croisé dont le dessin est presque toujours une raie de nuance vive et tranchée, une veste ronde et un chapeau à larges bords ; ces vêtements sont confectionnés en coton, en poulangis, ou bien en drap... Pendant les jours ouvrables de la semaine, on ne connaît guère que la biaude et le classique bonnet de coton... Ce costume est à peu près celui de tous les habitants du Nivernais".
Vers 1890, les jeunes gens se distinguaient en portant la longue blouse fendue par devant, du haut en bas, et souvent garnie des deux côtés, depuis le collet, de boutons de nacre gros comme des pièces de 40 sous.
Quant aux flotteurs de l'Yonne, aux moeurs bien particulières, ils portaient, avec le pantalon de velours côtelé, une courte blouse de poulangis dite bourgeron.
Dans "Le Mouvement social"
Le costume des hommes consiste en une chemise de grosse toile, pantalon, veste et gilet de drap, et par-dessus la blouse bleue de tous les paysans du Centre, chapeau de feutre à larges bords, sabots.
Dans "La Revue de Bourgogne - 15 janvier 1925"
Quant au Morvandiau, il était, il est encore à l'avenant. Sa vie est encore misérable, bien qu'il ait remplacé par du pain de blé son pain de seigle de jadis. Bien souvent, il porte encore la biaude bleue, le grand feutre, et les gros sabots. Au temps où, avec ses bœufs, il s'en allait, comme galvachers, charroyer en Auxois ou, comme boeutier, convoyer des troupeaux en Picardie, sa mine farouche, ses moeurs âpres et entêtées, son patois tenace, signalaient tout comme le Breton ce rural héritier de longues générations routinières, habituées à exploiter, en une ferme isolée, une terre ingrate, et close. Les Paysans de Balzac sont des Morvandiaux.
les faucheurs étaient des gens maigres et nerveux, brûlés par le soleil comme des chèvres rouges, les yeux profonds et plissés, la figure de brique et le crâne tout blanc, car ils ne quittaient pas leur chapeau parce qu'en ce temps-là, le soleil sur le crâne vous tuait immanquablement son homme ! Du moins on le disait.
Leur torse était lui aussi soigneusement protégé du soleil. Si l'on avait vu un homme le torse nu, on serait allé chercher l'exorciseur, car ce ne pouvait être qu'un "valet du Peût", ou peut-être le "Peût" lui-même !
Ils portaient, rentrée dans le pantalon de velours d'Amiens, la chemise de lin blanc ou de droguet, et, pour soutenir le ventre, la ceinture de flanelle grise, ou bleu roi, ou même rouge. Aux heures les plus chaudes, ils sortaient la chemise du pantalon et la laissaient flotter sur leurs genoux. Le mouvement de rotation du tronc agitait joliment les pans et cela provoquait un courant d'air qui, séchant la sueur, assurait le rafraîchissement des reins et du ventre.
Lorsque la ceinture se dénouait, l'homme appelait un camarade à l'aide, gagnait un couvert pour n'être pas vu des femmes et son camarade tenant la ceinture fermement, il s'envirotait dans sa bande de flanelle en tournant sur lui-même comme un derviche, sans quitter son chapeau, jamais, même pour se mettre à table ! Il était très impoli de se montrer décoiffé et si on le faisait, par force, le crâne apparaissait, dégarni très tôt, blanc comme un gros lycoperdon géant.
De toute façon je ne crois pas qu'on ait jamais vu le torse nu d'un de ces hommes-là ! M'est avis que si on l'avait pu voir, on aurait eu le spectacle d'abdominaux et de lombaires extraordinaires, car pour vous faire les muscles de la ceinture, marche ! rien de tel que trois mois de fauchage après deux mois de piochage et un hiver au bois !
A partir de la communion, la vie des filles était absolument intégrée à celle des femmes, et celle des garçons à celle des hommes. La séparation des sexes, déjà commencées dès l'âge de "râyon", six ans, devenait rigoureuse et intégrale. C'est à partir de 12 ans, ou plutôt après la cérémonie de la communion, que le garçon portait des pantalons longs, et que la fille rallongeait ses robes.
Il est intéressant de noter que les hommes, en Morvan surtout, gardaient les cheveux longs et portaient aux oreilles des petits anneaux de cuivre mis lorsqu'ils étaient enfants pour les préserver des ophtalmies ; de telles habitudes ne disparurent que dans la seconde moitié du XIXème siècle.
De Chambure, dans son glossaire du Morvan note:
Blaude, Bliaude, Biaude = Blouse elle est revenue à son point de départ car elle diffère très peu de la tunique celtique trouvée dans une tourbière du Jutland (Le Jutland, en danois Jylland, est la péninsule, formant la partie continentale du Danemark. - Wikipedia). Elle a été la parure des rois.
La blouse, généralement appelée biaude, cache-poussière sans rival, commençait un règne chez nos vieux paysans, meneurs de bœufs ou maquignons. Longue et fendue par devant, d’un bout à l’autre, elle fut pour beaucoup la daumée, par analogie avec la longue veste à basques ; plus tard, fermée entièrement, on l’appela la rouillère (La blouse venant du nord, descendit jusqu’en Provence avec les rouliers et ne se généralisa que pendant la seconde moitié du XIXème siècle - Cf Le Village et le paysan de France, p. 137.) «achetée toute faite aux marchands» ; en 1880, fendue du col à la poitrine, elle fut tout simplement la blouse «en toile façonnée dans le pays». En gros fil bleu pour la semaine, plus fine pour le dimanche, mais toujours très longue, elle avait sur le côté deux ouvertures permettant de mettre les mains dans les poches du pantalon.
Fanchy et Simon pouvaient noter, vers 1890, que les jeunes gens se distinguaient en portant la longue blouse fendue par devant, du haut en bas, et souvent garnie des deux côtés, depuis le collet, de boutons de nacre gros comme des pièces de 40 sous. Quant aux flotteurs de l’Yonne, aux moeurs bien particulières, ils portaient, avec le pantalon de velours côtelé, une courte blouse de poulangis dite bourgeron.
La blouse, suivant A. Dauzat, est d'origine assez récente. "La blouse a été, écrit-il, le grand vêtement de travail du XIXème siècle ; mais venue du Nord, elle ne s'est généralisée dans le reste du pays que pendant la seconde moitié du XIXème siècle... Elle n'apparaît qu'à la fin du XVIIIème siècle (où le mot est en registré pour la première fois en 1789 par le dictionnaire de l'Académie). La blouse fut une innovation de la génération de mes grands-pères. Elle connut son apogée sous le second Empire, où elle symbolisait ouvriers et paysans, en face des bourgeois à paletot."
Le bonnet de coton blanc, noir (En 1901, Jules Renard notait, dans son "Journal" que "Les vieux de Germenay (canton de Brinon) portent des bonnets de coton noirs toute la journée") ou bleu a longtemps été la coiffure traditionnelle. A la fin du XIXème siècle, le paysan qui le conservait pour dormir le portait même à la messe "queue sur l'oreille" ; ce bonnet - parfois de laine comme le note l'abbé Baudiau - fut supplanté, les jours de fête, par le chapeau rond qui affecta les formes les plus variées.
Les paysans aisés portaient, selon Dupin aîné , un chapeau de feutre noir "tantôt avec trois cornes, tantôt avec une seule formée par le retroussis des deux côtés, le troisième demeurant rabattu pour l'objecter au vent ou à la pluie". Ce couvre-chef était toutefois moins caractéristique que le grand chapeau à larges bords, le chapeau-champignon, fabriqué au pays, que Dupin dit être plus particulier aux habitants de Germenay et de Brinon.
Claude Tillier, en faisait la coiffure morvandelle type vers 1830-1840 : "Les bords sont d'une largeur si démesurée que trois amis, sous cette galette de feutre, pourraient aisément s'abriter d'une averse. Ces braves gens, vus du haut du clocher, quand ils s'arrêtent au sortir de l'office, devant le porche de l'église, pour deviser de leurs affaires vous feraient l'effet d'une couche de grands champignons noirs" - (Comment le Capitaine eut peur).
Les Morvandiaux ont toujours préféré le chapeau de feutre très large pour les sorties, et ils affectionnaient particulièrement la "calotte de pouai", calotte de poil ou "casquette à oreilles", souvent fabriquée avec des peaux de bêtes garnies de leurs poils (en peau de loutre), et dont une partie pouvait se rabattre sur les oreilles pendant la mauvaise saison.
Dès la fin du XIXème siècle apparaissaient le chapeau mou et la casquette en drap qui eurent vite la faveur des jeunes mais ne détrônèrent le chapeau rond qu'après la première guerre mondiale.
En raison de sa commodité, le sabot de bois se maintient, pour le travail, dans toutes nos campagnes ; il fut, jusqu'à une époque proche de la nôtre, le soulier de tous les jours, et les vieux paysans, vers 1925, le chaussaient encore pour se rendre a la messe ou sur le foirail.
C'est que le sabot faisait partie de la vie du morvandiau. On se les taillait soi-même le plus souvent. C'est DUPIN qui en 1841 écrivait : "Ils les font fabriquer chez eux à bon compte avec un pied de verne ou de bouleau qu'ils achètent rarement; ils aiment mieux le couper en maraude, dans la forêt voisine". On mettait le bois à sécher. On en avait plusieurs morceaux d'avance. Et dans un bois bien sec on creusait à la gouge et on équarrissait tant bien que mal un sabot simple qui protégeait parfaitement de l'humidité. L'épaisseur du bois permet l'isolation du froid et de l'humidité et la largeur de la semelle empêche de s'enfoncer dans la terre humide. La forme du sabot n'est pas due au hasard ; la pointe du sabot sert au décrottage de la semelle. Le principal défaut du sabot est son usure. En effet, les sabots s'usent vite, en deux mois au maximum, ce qui explique que les sabotiers ne manquaient pas de travail !
Le sabotier utilisait le bois dur et tendre. Le premier (noyer, frêne et surtout hêtre) servait à fabriquer les sabots des gros marcheurs qui ne souhaitaient pas les user trop rapidement. Le second (tremble, saule, aulne ou verne mais surtout bouleau) fournissait les sabots les plus courants et les plus appréciés des cultivateurs pour leur légèreté.Une fois choisi, l'arbre est écorcé et coupé en billes d'un mètre. Ces billes de bois sont ensuite découpées en trois morceaux. La longueur de ces morceaux correspond en fait à la plus grande pointure fabriquée (du 46).
Grossier, au nez pointu, et quelquefois jauni sur le feu, le sabot s'affina et fut soigneusement noirci vers la fin du XIXème siècle, bien qu'au dire de Jules Renard se portaient encore au coeur du Nivernais "des sabots blancs à peine équarris". Dans la région de Nevers primait l'amougnot - du nom de la contrée des Amognes - à la forme plus élégante et à la légèreté relative.
Pour que les sabots durent plus longtemps, on les ferrait avec de gros clous, réservant à la paire du dimanche des petits clous "sur semelle de peau" pour faire moins de bruit à l'église. Et l'on se préservait de l'humidité avec les plisses, petites semelles en paille plessée, tressée.
En Morvan, comme dans les Amognes, se porta jusqu'à la fin du XIXème siècle, la lourde botte de cuir, sans aucune fermeture, montant au-dessus du genou, et que l'on ferrait.
L'usage du soulier de cuir - un luxe - se généralisa pendant la guerre de 1914 et le sabotier de village perdit ses pratiques. Aujourd'hui les sabots, faits mécaniquement, sont vendus dans les bazards.
Le métier de sabotier était très dur, beaucoup confectionnaient les sabots pendant l'hiver et était cultivateur en même temps. Au 19e siècle et début du 20e, le sabotier allait de porte en porte, emportant son matériel, travaillant à la journée pour celui qui avait besoin de sabots, l'employeur fournissant le bois. En Morvan, il n'existe plus que deux ou trois sabotiers de métier, les sabots étant faits à la machine et finis à la main.
Pour faire les sabots, tous les bois ne convenaient pas, il fallait soit du noyer, du bouleau, de la verne, du merisier , de l'érable plane, certains en faisaient en hêtre, mais il était très dur, le meilleur étant sans nul doute l'érable plane, il était dur, mais se travaillait bien, avait un joli fini, était blanc et n'avait pas d'aubier, le noyer était un bon bois à l'usure, mais avait un fini difficile, la verne était tendre à faire , mais s'usait très vite, le bouleau d'une dureté moyenne n'était pas facile à polir, à la main, mais était néanmoins très employé.
Tous ces bois poussent dans la région, mais l'artisan qui en faisait son métier était obligé d'aller en chercher assez loin, car il lui en fallait une assez grande quantité. L'arbre qui était choisi pour faire des sabots, était abattu, le plus souvent au passe-partout, car il fallait un certain diamètre, et amené à proximité de l'atelier, le mieux pour le travailler était de le couper au moins 6 mois d'avance, il ne fallait pas qu'il soit trop sec, car bien plus dur.
Le Sabotier - (anonyme)
29 novembre 1962 - M. HUCHON a commencé ainsi un de ses souvenirs d'enfance (son père était sabotier) :
Chacun sait que la longueur d'un soulier ou d'une pantoufle s'exprime en points ; pour un sabot, elle s'énonce en pouces (27 mm).
Autrefois, quand vous alliez chez le sabotier du village, celui-ci mesurait, à l'aide de sa jauge graduée, la paire de sabots usés que vous aviez aux pieds ; tout de suite cet artisan était fixé : par exemple il disait au client : il vous faut du 8 pouces et demi, et, dans le tas, il cherchait cette longueur. Ainsi, un sabot de 8 pouces 1/2 a donc une longueur intérieure de 27 mm X 8,5 229 mm 5.
Il y avait plusieurs sortes de sabots les unis, sans ornements, et les « Fleurtés », mot patois de « Fleuronné », c'est-à-dire ornée de fleurs ou de fleurons, puis les sabots couverts, entièrement en bois, par conséquent non munis d'une bride en cuir sur le cou-de-pied, destinés aux travailleurs des champs.
Hommes, femmes et enfants possédaient parfois deux paires de sabots ; quand ils s'endimanchaient, ils mettaient des sabots portant quelques motifs sculptés ; les unis étaient pour la semaine.
Dans la boutique de mon père, enfant, j'entends encore quelques clientes lui demander : « Béyez (baillez) moi don vouér dé saibo fleurtés po lé dimoinge » ; donc on choisissait parmi les paires éparpillées sur le plancher ou exposées à l'étalage.
Nos campagnardes de ce temps-là étaient très difficiles dans leur choix ; quand elles ne trouvaient pas de sabots à leurs goûts, il fallait leur soumettre le catalogue et, en main, elles désignaient à mon père le dessin qu'elles préféraient.
Quelques jours plus tard, elles avaient satisfaction.
Voici donc le catalogue : une planchette en noyer étroite et assez épaisse sur laquelle sont sculptés des deux côtés des motifs décoratifs faits à la gouge et à la rénette (rainette).
En son genre, artiste méconnu, le sabotier a disparu de nos villages et les sabots ont été remplacés par des bottes en caoutchouc.
Actuellement le peu de sabots vendus dans les magasins sont taillés et creusés à la machine, ne recevant aucun fignolage et les « Fleurtés » à la main sont de plus en plus rares.
5 février 1980 - Lucien Hérard, président de la Société des Auteurs de Bourgogne
" Bien que devenu citadins, Château-Chinon était fier de sa sous préfecture et de son tribunal, mes camarades et moi portions entre 1904 et 1910-12 des sabots tout en bois, noircis avec une patte de lapin trempées dans un liquide noir et de senteur âcre. Pas un garçon, vous m'entendez, n'eût consenti à mettre des sabots à brides ; c'était pour les filles et la confusion des sexes n'existait pas en ce temps là !
Ces sabots étaient de verne. Ils coutaient 12 ou 14 sous la paire. Je n'en ai jamais vu en cerisier que dans le recueil d'Emile Blin (Je l'ai bien connu). Je ne sais pas s'il y en avait en noyer mais il y en avait en hêtre.
Nos parents trouvaient que ça s'usait vite. Certains pères y plantaient des clous à tête ronde, d'autres y clouaient des morceaux de cuir, déchets, vieilles courroies. J'en ai vu ferrés de tôle de boites de conserve. Cela nous désespérait car quiconque était ferré se voyait banni des glissades.
Quand la semelle du sabot était devenu toute mince et bien plate, on le gardait pour l'hiver afin justement de glisser. C'étaient nos skis. On s'en donnait jusqu'à la nuit tombée, avec pour gants de vieilles chaussettes !
Et mon Dieu qu'on était donc heureux ! "
Les Etablissements Marchand pratiquent l'activité de sabotier de père en fils, selon des méthodes traditionnelles, depuis 1947. Il est possible de visiter leurs ateliers de fabrication de sabots dans la Nièvre.
Les sabots sont labélisés "Morvan Nature et Talents". Cette marque est attribuée par un collectif d'artisans locaux et par le parc naturel régional du Morvan, dans le but de promouvoir les savoir-faire de notre région.
Le Morvan, son histoire de tradition régionale et familiale ! Alain et Pierre fabriquent des sabots comme le faisait avant eux leur père et grand-père ! Ils perpétuent ce savoir-faire en utilisant des arbres qui profitent de l'humidité du climat Bourguignon.
Les Etablissements Marchand - Le Meix Garnier - 58230 Gouloux - Tél. 03 86 78 73 90
Tranche de vie : Témoignage de Michel Perrin
Michel se souvient avoir travaillé avec son père et nous explique la fabrication des sabots.
Des bois divers étaient employés : bouleau, hêtre, verne (aulne), noyer et même merisier. Les troncs entiers étaient livrés par les forestiers Blandin-Bezille-Bongard-Bazot. Ils étaient sciés en billots à la longueur voulue puis ébauchés avec la scie à ruban.
Deux machines étaient utilisées :
L'une pour la forme, suivant le positionnement du guide, elle dégrossissait les sabots couverts, les sabots à bride ou les claques.
L' autre servait à creuser, pied droit ou gauche.
Ensuite, à l'aide du paroir, l'artisan terminait le talon et la pointe du sabot. Le travail de finition de l'intérieur s'effectuait avec une cuillère et des rabots.
Enfin, les sabots étaient décorés et vernis.
Les clients étaient des particuliers mais la saboterie Perrin fournissait aussi les aciéries d'Imphy. En effet, le sabot servait de chaussure de sécurité et Michel se souvient des grosses livraisons en voiture.
Alexis Perrin décéda en janvier 1967.
Michel continua une dizaine d'années mais avec le progrès (bottes- chaussures de marche et de sécurité, etc.) l'activité de la saboterie déclina et Michel dut fermer son atelier.
Une page de l'histoire de Montreuillon se tournait !
Pour en savoir plus : La vie du village - Le sabotier : Montreuillon - Le Morvan au coeur de l'Europe
Jean Perriau retrouve à Roussillon-en-Morvan (71) aux Arboules, en limite du Pommoy, la maison de son enfance en propriété familiale depuis près de deux siècles.
Depuis trois générations, les pères fabriquaient les sabots pour la famille et les gens du hameau, le soir ou l'hiver après le travail de la terre et le pansage des bêtes.
Au recensement de 1936, la profession mentionnée pour son père François était celle de sabotier. Un siècle plus tôt on trouve à Roussillon, huit familles Perriau(t) pour 16 adultes et 15 enfants dont le trisaïeul François, journalier et l'arrière grand-père Jean, aussi journalier. Le grand-père Pierre sera fermier au Pommoy en 1906 mais les métiers étant divers en fonction des saisons, on les retrouve aussi, selon les actes, maçons pour le grand-père et sabotier pour la plupart des hommes. Jean a donc, comme eux, grandi galoches aux pieds et sabots à la main.
Son père François, dit le Francis, avait installé un atelier dans une petite bâtisse près de la maison avec tous les outils nécessaires à la confection des sabots. Il sculptait aussi dans les souches, à temps perdu, des têtes de chevaux. Jean nous dit que « Tout petit, le voyant oeuvrer, je taillais déjà des sabots. C'est ainsi que j'ai appris les techniques du travail du bois et un temps, quand il fut trop âgé, j'ai même tenu la petite ferme et repris la fabrication des sabots pour les voisins ». C'est donc dans cet atelier que Jean perpétue les savoirs transmis.
Pour leur fabrication, Jean choisit des bois à la fois résistants et faciles à creuser. Le bouleau et l'aulne (verne) ont sa préférence car ils font des sabots légers à porter. Il dispose dans son atelier de la panoplie traditionnelle d'outils : la hache spéciale pour dégrossir la bille, le paroir pour en tirer la forme, la gouge, la vrille ou la tarière pour les creuser. Jean veille au confort et met un soin particulier à dessiner la voûte plantaire, la taille du sabot étant faite selon des pointures-types. Les sabots qu'il confectionne lui étant demandés plus pour l'apparat que pour le travail paysan et le jardinage, il les décore en les ouvrageant, en mettant une bride en cuir et en les sculptant de motifs le plus souvent végétaux.
Texte : Jean-Claude Perraudin - Vents du Morvan N°54 - Printemps 2015, pages 82 à 84
"La mort ? En y ai pas le de quoé de rire, ma en y ai pas le de quoé de pieurer !"
"Le Morvandeau est doux à la mort"
On donnait au malade, jugé perdu, et qui avait reçu l'extrême-onction, tout ce qu'il désirait. C'était "le repas de la mort"; puis, l'âme du défunt, partie vers le ciel, on s'empressait de vider les seaux d'eau où elle s'était plongée, pour se purifier. Les animaux de labour sont dételés, tout travail cesse ; dernier hommage de respect rendu à celui qui va quitter la maison.
Le dernier soupir rendu, on "ferme les yeux du défunt avec la croix d'un chapelet, on clôt sa bouche après lui avoir demandé la permission en l'appelant par son nom de baptême, le seul qui lui reste devant Dieu".
La toilette funèbre avait été faite par l'ensevelisseuse qui revêtait le mort de ses plus beaux habits, (Si c'était une femme, on lui posait sa couronne de mariée sur la tête dans la région de Château-Chinon) lui mettait dans la main un chapelet, parfois un livre de messe et un gros sou. La pièce de monnaie était souvent mise dans la bouche. Ce sont, par endroit, les enfants qui placent dans la main gauche le gros sou qui paiera l'entrée au Paradis, mais encore coupent avant l'ensevelissement, une mèche de cheveux en souvenir.
La mise en bière : le mort était couché dans le cercueil sur une couette ou un oreiller, à défaut sur de fins copeaux de bois recouverts d'un drap. Après que le corps a été mis au cercueil, celui-ci est recouvert d'un drap blanc est déposé sur une charette ; deux bœufs, compagnons des travaux du défunt, ou prêtés par un voisin charitable, s'acheminent vers l'église. Elles connaissent leur devoir, les bonnes bêtes, pas besoin de les exciter de la voix ou de l'aiguillon ; parents et amis suivent en silence.
Le jour de l'enterrement, l'un des membres de la famille, allait "faire le chemin du mort", en brûlant, sur le parcours du convoi funèbre, des poignées de paille, pour écarter les mauvais esprits
Dans le sud Morvand après chaque enterrement, les assistants, avant de rentrer chez eux, allaient tous, sans exception, laver leurs mains à la rivière la plus proche ; ce lavage à l'eau courante était accompli comme un rite religieux. Les mains ne devaient pas être essuyées, mais séchées à l'air.
Ceux qui ne se conformaient pas à cet usage emportaient la mort à leur logis.
Dans la région de Fours et dans d'autres localités morvandelles, le linge d'un mort devait être rapidement, entièrement et parfaitement lessivé : s'il restait des tâches dans un linge incomplètement mouillé, il mourait un membre de la famille dans l'année. Tous les habitants du village participaient à cette lessive en y joignant une pièce de linge personnel "afin que l'âme du défunt soit tranquille au ciel".
Une jeune femme, enceinte ne doit pas suivre un enterrement, car le bébé serait jaune comme le mort. Si toutefois elle ne peut s'en dispenser, elle peut conjurer le sort en portant à même sur la peau un morceau d'étoffe rouge.
Aussitôt après le décès on arrête les pendules, on recouvre les glaces d'un linge et on vide les seaux, car on dit que l'âme du défunt s'y est lavée.
Quand les gens viennent jeter de l'eau bénite, ils se lavent ensuite les mains. Dans beaucoup d'endroits, on leur présente de l'eau à cet effet.
On place une pièce de monnaie dans la main ou dans la bouche du défunt, pour lui permettre de passer la "barque à Caron". Cette coutume, qui est une survivance du paganisme, se pratique depuis un temps immémorial. A Saint-Parize-le-Châtel, en nivelant l'ancien cimetière qui entourait l'église, on a trouvé des pièces de monnaie de toutes les époques, depuis les temps mérovingiens jusqu'à nos jours.
Dans les communes qui n'ont pas de corbillard, on porte les cercueils sur un bayart, sur les épaules ou à bras, au moyen de deux bâtons.
Une bonne femme, en général l'ensevelisseuse, suit les porteurs avec un bol contenant de l'eau bénite et une, branche, de buis. Aux carrefours, les gens qui attendent le passage, du cortège donnent de l'eau bénite, avec ce buis. On place ensuite le bol sur la tombe. En certains endroits, on le renverse. Dans mon jeune âge, la même femme présentait, pendant l'enterrement, à tous les assistants, des sous sur une assiette, pour leur permettre d'aller à l'offerte.
Dans certains villages reculés du Morvan, lorsque le cercueil est descendu dans la tombe, tous les parents du défunt vont à tour de rôle "réboler", c'est-à-dire, pousser des gémissements devant la fosse. En beaucoup d'endroits, on désigne la bière sous le nom de "vase". Presque partout, après l'enterrement, la famille offre aux porteurs du vin, du fromage de gruyère, ou du saucisson à discrétion.
Aux environs de Luzy, les parents n'assistent pas à l'enterrement de leurs enfants, ni le mari ou la femme à celui de leur conjoint, autrement ils mourraient eux-mêmes dans l'année. Bien entendu tous les gens sensés transgressent cette coutume.
On met ordinairement un crêpe aux ruches, les abeilles étant sensé faire partie de la famille.
A. DESFORGES
Ernest Champenois de Saint-Brisson a vécu longtemps avec la mort - la sienne - comme voisine.
ll avait son cercueil dans l'écurie de sa maison, et au-dessus, une couronne mortuaire en perles de verre avec pour épitaphe :
"À mon petit Nénesse, regretté par lui-même".
À la moindre visite qui se présentait, séance-pose dans le cercueil et dégustation de champagne rangé dans un casier à proximité.
" À la tienne, Nénesse, où que tu sois et on ne t'oublie pas ! "
Extraits de l'inventaire fait le 29 novembre 1764 dans une ferme à Melin (hameau proche de Liernais) après le décès de Marthe Simonnot (née en 1728 ou 1729).
Art. 9 - Un coffre de bois de Chesne sans ferrure, duquel ouverture faitte il s'y est trouvé neuf coeffes à l'usage de laditte Simonnot et un linge à baptiser, estimés lesdittes coeffes et linge à baptiser trois livres.
Art. 10 - Dans ledit coffre il s'y est trouvé deux jupons de Boge, l'un blanc, et l'autre rayé en bleu et blanc estimés avec une paire de manches aussi de Boge Blanc, quatre livres.
Art. 11 - Dans le même coffre, il s'y est trouvé deux corsets de Boge, une paire de manches et un tablier aussy de Boge le tout plus que demis usé estimé trois livres.
Art. 12 - Dans ledit coffre il s'y est trouvé une paire de manches de Boge, une de Dauphine avec un jupon aussy de Dauphine le tout estimé cinq livres.
Art. 13 - Au même coffre, il s'y est trouvé deux jupons, l'un de Basin l'autre de Boge et un tablier de Cotton, le tout estimé trois livres.
Art. 14 - Audit coffre il s'y est trouvé une cullotte de velours de geux avec une camisolle de Boge brun estimés trois livres.
Art. 15 - Un jupon de toëlle blanche, quatre chemises à l'usage de la déffunte ave une toye de lit le tout très mauvais, estimé quarante sols.
Art. 16 - Dans ledit coffre il s'y est trouvé un habit de Boge gris avec deux chemises de femme, une camisolle de femme et deux corsets le tout très mauvais estimé trois livres.
Art. 17 - Un manchon de peau de chien et une échevette de fil estimée vingt sols.
Art. 18 - Un coffre bois de Chesne ferré fermant à clef, estimé trois livres.
ouverture faite d'yceluy il ne s'y est trouvé que des linges et hardes à l'usage des domestiques pourquoi ils n'ont été estimés.
Art. 19 - Un autre mauvais coffre sans ferrure estimé vingt sols. Ouverture aussy faite d'yceluy, il ne s'y est rien trouvé.
Art. 20 - Une cappe de Boge Beurot (Boge beurot : Bogue brun. La cape servait de manteau) estimée vingt quatre sols.
Art. 21 - Dans laditte Maison il s'y est trouvé un Bois de Lit en Chesne garny de ses rideaux de toëlle Blanche, de son lit et traversin de mauvaise plume, d'un dras et d'une mauvaise couverte de toëlle rayée, le tout estimé huit livres, comme étant très mauvais.
Art. 22 - Deux mauvais Buffets propre à serrer le laitage estimé quatre livres.
Art. 23 - Un petit coffre très mauvais estimé quatre livres accause qu'il ferme à clef.
Art. 24 - Ouverture est faite il s'y est trouvé deux paires de Manches de femme, l'une de Boge et l'autre de toëlle Blanche, un corps de cottonne rayé, une mauvaise chemise, un mouchoir, deux mauvaises paires de bas de laine blanche, le tout à l'usage femme et très mauvais estimé quarante sols.
Art. 25 - Il s'y est aussy trouvé dans ledit coffre livres d'oeuvre (oeuvre : filasse de chanvre) et trois livres et demie d'étoupe estimé le tout quarante huit sols.Fait les Jours et an, que dessus, signé sur la minutte E. Choureau, Jacob, J.Mathey, Vaudrey notaire royal soussigné;
contrôllé à Saulieu le trente Novembre Mil Sept Cent Soixante quatre.
Reçu trois livres cinq sols.
Signé : VARENNE notaire Royal.
Vêtements de l'homme | |||
Aller à la page | Manoeuvre-Agriculteur - 1839 / 1845 | Fondeur (au bois) - 1839 / 1845 | Communauté de Pervy - 1860 |
Vêtements du dimanche | Veste, gilet et pantalon en laine pour l'hiver, 19f 73 veste, gilet et pantalon en coton pour l'été, 12f 00 2 mouchoirs, 2 cravates, 2f 67 1 paire de souliers, 4f 67 2 paires de bas de laine, 2 paires de bas de coton, 5f 07 chapeau de feutre, 3f 00 Total, 47f 14 | 1 veste, 1 gilet et 1 pantalon de drap (hiver) 1 veste, 1 gilet et 1 pantalon en étoffe de coton (été) 1 cravate de soie; 1 paire de souliers; 4 paires de bas; 1 chapeau de feutre Total, 44f 00 | Une veste de laine, teinte en bleu, de fabrication domestique, un pantalon et un gilet de même étoffe, 45f 00 une chemise de toile, 3f 00 une cravate de coton, 0f 60 un chapeau de feutre noir à larges bords, 8f 00 une paire de bas de coton ou fil, 1f 50 une paire de souliers, l0f 00 un mouchoir de poche, 1f 00 une blouse bleue, 3f 00 Total, 72f 10 |
Vêtements de travail | (vieux habits du dimanche) Vestes, gilets et pantalons vieux, 15f 88 2 paires de sabots, 1f 00 3 chemises neuves, 10f 22 3 chemises vieilles, 2f 55 Total, 29f 63 | (vieux habits du dimanche) 2 cravates de coton; 6 chemises de toile; 4 mouchoirs de poche; 2 paires de sabots; 1 casquette de drap; Total, 18f 00 | Les vêtements du dimanche, après de longues années de service, passent aux jours de travail veste, pantalon et gilet, 15f 00; un bonnet bleu, un chapeau de paille, une paire de sabots, une paire de chaussons de laine, 3f 00. Total, 18f 00 |
Vêtements de rechange | Neuf chemises, 27f 00; quatre paires de bas, 6f 00; cinq mouchoirs de poche, 5f 00; deux cravates, 1f 20; une brosse à habits, une brosse à chaussures, un rasoir, 4f 50; six paires de sabots ferrés, à 0f 70 la paire, 4f 20. Total, 47f 90 |
Vêtements de la femme | |||
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Vêtements du dimanche | Vêtements en laine, 10f 00; vêtements en coton, 6f 67; 1 jupon, 1f 00; 1 tablier, 1f 16; 1 fichu, 2f 16; 1 mouchoir, 0f 75; 2 paires de bas en laine et 2 paires en coton, 4f 74; 1 paire de souliers, 0f 83; 1 coiffe, 1f 16. Total, 28f 47 | 1 robe en étoffe de laine fine, dite mérinos; 1 tablier de soie; 1 robe, 1 fichu et 1 tablier d'indienne; 1 châle de laine imprimé ou tissé; 3 paires de bas de coton blanc; 2 bonnets et 2 cols en tulle brodé; 1 paire de souliers, Total, 56f 00 | Deux robes de laine, 40f 00; deux jupons de laine rayés, 12f 00; un tablier de soie noire, 6f 00; un mouchoir de cou de laine, 6f 00; une coiffe de mousseline brodée, sans rubans, 3f 00; une paire de bas blancs de coton, 1f 20; une chemise de toile, 3f 00; un mouchoir de poche blanc de fil, 1f 00; une paire de souliers, 6f 00; un manteau de drap, donné en cadeau de noces, 60f 00. Total, 138f 20 |
Vêtements de travail | (vieux habits du dimanche) Robes, jupons, tabliers, fichus, coiffes, provenant d'anciens vêtements du dimanche, 9f 15 ; 1 mouchoir, 0f 25 ; 2 paires de sabots, 1f 00 ; 2 chemises neuves, 6f 81 ; 2 chemises vieilles, 1f 70. Total, 18f 91 |
(vieux habits du dimanche) 1 robe, 1 fichu et 1 tablier d'indienne ; 4 paires de bas bleus ; 2 paires de sabots avec chaussons ; 6 chemises ; 2 coiffes, Total, 17f 00 |
Les vêtements du dimanche défraîchis passent aux jours de travail, deux robes d'indienne, 15f 00; deux jupons provenant de vieilles robes, 3f 00; une paire de bas de laine, 1f 20; un tablier d'indienne, 2f 00; un mouchoir de cou en laine, 2f 00; une paire de sabots non ferrés, 0f 50; une coiffe en mousseline unie, sans rubans, 2f 00; un grand chapeau de paille (fabrication domestique), 1f 50; un drap en grosse toile (charrié), plié en deux, qu'on met sur le dos en guise de manteau, les jours de pluie ou de froid, 3f 00; une paire de chaussons, 0f 75. Total, 30f 95 |
Vêtements de rechange | Dix coiffes de mousseline, 20f 00; dix chemises de toile fine, 30f 00; six mouchoirs de cou, 12f 00; douze paires de sabots non ferrés, 6f 00; six mouchoirs de poche, 6f 00; quatre paires de chaussons de laine, 3f 00; une petite glace, 1f 00; une petite croix d'or, qu'on porte suspendue au cou par une ganse de soie, 7f 00; une bague d'alliance en or, 7f 00. Total, 92f 00. |
Vêtements des enfants | |||
Aller à la page | Manoeuvre-Agriculteur - 1839 / 1845 | Fondeur (au bois) - 1839 / 1845 | Communauté de Pervy - 1860 |
Vêtements d'un garçon pour le dimanche |
Une veste de laine, teinte en bleu, un pantalon, un gilet de même étoffe de fabrication domestique, 10f 00; une casquette de drap, 1f 50; une petite cravate de laine, teinte en rouge, 1f 00; une paire de bas, 1f00; une paire de sabots, 0f 40 (les enfants ne portent des souliers que lorsqu'ils sont assez grands pour aller aux foires et marchés); une chemise, lf50; par provision, quatre paires de sabots, à Of 40, 1f 60. Total, 17f 00. |
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Vêtements d'une fille pour le dimanche | Une robe de laine, un jupon rayé de laine, 10f 00; un petit tablier de coton, 0f 50; un mouchoir de cou, 1f 00; une coiffe de mousseline, 1f00; une paire de bas de laine, 1f 00 une paire de sabots, 0f 40; une chemise, 1f 50; par provision, quatre paires de sabots, à 0f 40 la paire lf60. Total, 17f 00 |
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Vêtements de travail |
Objets divers en toile de ménage, 8f51; vieux vêtements des parents, 8f34; autres objets achetés, 12f 00. Total, 28f 85. |
Confectionnés en partie avec les vieux vêtements des parents, Total, 45f 00. |
Pour fille ou garçon, ces vêtements se composent des vieux vêtements des père et mère, ajustés à leur taille; leur valeur n'excède pas 12f 00. |
Souvenirs et anecdotes sur les comités révolutionnaires, 1793-1795 - G. Audiger - 1830
"Comment le Capitaine eut peur" - Conte de Claude Tillier - 1842
Les Paysans sous la royauté - P. Joigneaux - 1850
Le Morvand - J-F Baudiau - 1854
A travers le Morvand - Edmond Bogros - 1873
Le glossaire du Morvan - E. De Chambure - 1878
Manoeuvre-Agriculteur du Morvan (Nivernais) Ouvrier-Journalier - Le fondeur (au bois) du Nivernais, d'après les renseignements recueillis sur les lieux, de 1839 à 1855, par MM. A. de Saint-Léger et F. Le Play
Statistique de la commune de Fretoy - Jean Simon - 1883
Les populations forestières du centre de la France - La Puisaye - Auguste BOYER - 1907
Tomes III et IV - Académie des Sciences Arts et Belles Lettres de Dijon - Association Bourguignonne des Sociétés Savantes
Folklore du nivernais et du Morvan - Jean Drouillet
Le Morvan Coeur de France - Joseph Bruley (Le costume populaire traditionnel en Morvan - Ses origines)
Robert Monin - Membre des Enfants du Morvan en 1968 - Vice Président en 1969 - Président de 1975 à 2000
La vie quotidienne des paysans bourguignons au temps de Lamartine - Henri Vincenot
La vie des villageois au XVIIIe siècle d'après les écrits de l'époque - Gewa THOQUET - Editions Les Chemins du passé
Paysans et notables du Morvan au XIXème siècle jusqu'en 1914 - Marcel Vigreux - 1998
Villargoix ou la vie de paysans Morvandiaux du XVIIe au XIXe siècle - Madeleine Garreau-Février - Editions de l'Armançon
La vie du village - Le sabotier : Montreuillon - Le Morvan au coeur de l'Europe
Le Bon Marché Rive Gauche, 24 rue de Sèvres 75007 Paris - Suivi des Archives
Revue de folklore français, organe de la Société du folklore français - 1930-1942
Vents du Morvan N°54 - Printemps 2015, pages 82, 83 et 84
Histoire de la mode enfantine - La fabuleuse histoire des indiennes - Les Petites Mains
Topographie et statistique médicales de la ville et de la commune d'Autun - Louis-Marie Guyton - 1852.
Annuaire historique du département de l'Yonne : recueil de documents authentiques destinés à former la statistique départementale. 1851.Description de la vallée de l’Yonne
En Morvan - Souvenirs du bon vieux temps - 1968 - Joseph Pasquet