Le MorvandiauPat | Les tissus |
"Pendant des siècles, nos paysans nivernais et morvandeaux,
comme tous les paysans de France,
se sont habillés de toile et d'étoffes de laine et de fil,
fabriquées par les tisserands de village".
On peine à imaginer aujourd'hui toute une population habillée de laine, de chanvre et de lin. Pourtant la soie est réservée à l'élite. Le coton ne se diffuse qu'à partir du XVIIe siècle , il n'atteindra les classes populaires qu'après 1760.
À la campagne, tous les paysans élèvent des moutons et cultivent quelques hectares de chanvre pour leur propre consommation Les familles utilisent le produit de la tonte pour tricoter des bas de laine, des pulls ou des tuniques. Elles filent et tissent elles-mêmes laine, chanvre et lin pour des vêtements et des couvertures.
Dans tous les villages s'activent des fileuses et des tisserands.
Qu'est-ce qu'on met en terre,
Qu'on sort de terre,
Qu'on met dans l'eau,
Qu'on sort de l'eau
Et dont on casse les os
Pour avoir la peau ?
1778 - Il n'est pas jusqu'aux rebuts même & aux chiffons de toile, dont on fait usage dans les papeteries, qui ne soient recherchés des étrangers comme les meilleurs qu'ils connaissent. Les Hollandais les enlèvent au préjudice des manufactures du pays, & les paient un tiers plus que les chiffons des autres pays soit que les chanvres de la Bourgogne soient de meilleure qualité, & qu'ils aient des fibres plus déliées & plus propres à faire une bonne pâte de papier; soit que les cendres des bois qu'on emploie dans les lessives, ne fatiguent pas autant le linge que celles des autres pays. Les chanvres du Châlonnais & de la Bresse sont renommés par la force & la longueur des fils...
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En Nivernais comme en Morvan chaque ménage avait sa petite chènevière :
La chamiée (Tannay, Amognes, etc.)
La chamniée (Varzy, La Charité)
La chemiée (Lys)
La chomiée (Cosne)
La cemnée (Morvan)
La récolte se faisait en deux fois, car le chanvre étant une plante dioïque, le pied mâle ou pied à étamines était mûr bien plus tôt que le pied femelle ou pied à graines. Et, chose curieuse, nos paysans changeaient cette désignation. Ils appelaient femelle le pied mâle et vice-versa.
Le chanvre, pas cher, qui sert aux vêtements de tous les jours et au linge de maison, est très difficile à travailler. Contrairement au lin, il reste rugueux et garde une couleur brune. Saint-Simon décrit le linge que porte Madame de Montespan après sa disgrâce pour se mortifier « ses chemises et ses draps étaient de toile jaune la plus dure et la plus grossière [...]] cachés sous des draps et une chemise ordinaire. » Avec le fil le plus fin, dit fil plain, on tisse les toiles des chemises épaisses et raides. On y taille les chemises de nuit, les draps et certaines parties des chemises de jour, dont les extrémités sont en lin plus fin. Comme pour les vêtements, toutes les fibres sont récupérées et utilisées. Le rebut de la filasse ou étoupe, aux fils trop courts pour être tissés, sert à confectionner de gros tabliers et des paillasses.
Le plain était la première qualité de chanvre à filer. Quand, à la veillée, on avait teillé le chande, c'est-à -dire séparé les chamnotes (chèvenottes) et le chande (les filaments), celui-ci était roulé et mis de côté en attendant le forteux (frotteur) ; c'était le pouleton de chande (le peloton). Le forteux faisait 4 qualités de filasse la 1ère, le plain, pour les chemises fines, les nappes, les serviettes de table la 2ème, l'étoupe, pour les draps ; la 3ème, la bourrache, pour les charriers ; la 4ème, les cornus, pour les sacs à grain, à noix, à pommes de terre.
Recueilli par Paul Delarue auprès de M. Seguin, né à Oudan en 1859
Le chanvre (le cind) était une des plantes utilisées dans la petite culture vivrière d'autrefois et il y a tenu longtemps une place essentielle. La preuve en est qu'il était généralement cultivé aux abords de l'exploitation dans une huis ou un jardin destinés à cet effet et copieusement fumés. Le chanvre que l'on semait en mars était récolté en juillet ordinairement à la faucille. On prétend, dans certaines régions de France, que le chanvre avait sur les femmes qui le coupaient, un effet excitant ; on connaît les propriétés du chanvre et il est fort probable que ces faits aient été vérifiés.
Selon les endroits ou les habitudes des exploitants, on faisait rouir (èzer à St-André-en-Morvan) les tiges de chanvre coupées soit à même le sol, soit sur une haie ou notamment dans un trou d'eau ou une rivière.
(1) A citer quelques exemples des plus connus : maçons de la Creuse, ramoneurs savoyards, montreurs d'ours de l'Ariège, cochers du Limousin.
(2) On a vu certains tisserands (faiteux de touèle) travailler en cave. Les pieds des anciens métiers sont très souvent endommagés et pourris par l'humidité dans laquelle ils se trouvaient bien qu'ils fussent taillés dans du merrain.
Philippe BERTE-LANGEREAU- L’Almanach du Morvan 1987 – Lai Pouèlée
La manufacture de drap à Nevers aux XVIIe et XVIIIe siècles ne fut que la réunion temporaire d'un certain nombre de métiers textiles.
Il est peu de paysans qui n'aient leur chenevière. La culture et la préparation du chanvre exigent peu de soin. Les tiges sont coupées à la maturité et soumises au rouissage, c'est-à-dire à un séjour plus ou moins prolongé dans l'eau, pour faciliter la séparation des fibres textiles. Les habitants amassent leurs chanvres dans les ruisseaux, dans les bras de la Nièvre et surtout de la Loire, qui se réduisent pendant l'été, à des crots ou marécages aux eaux stagnantes. En 1785 les habitants dont les maisons s'échelonnent des ponts de Loire à St-Antoine signalent aux officiers de police que l'air est infecté par l'odeur caractéristique du chanvre. L'eau des puits est contaminée. Cette atmosphère est même gênante pour la ville, quand souffle le vent du midi. Une ordonnance du 30 juin interdit enfin ces méthodes qui durent depuis trop longtemps et prohibe le rouissage du chanvre dans la Loire, le long de la levée de St-Antoine, sous peine de confiscation au profit de l'hôpital général et de 50 l. d'amende.
Quand le chanvre est retiré de l'eau, il est teillé, c'est-à -dire que l'on sépare les fibres textiles des tiges ou chènevottes. Certains habitants brûlent immédiatement leurs chènevottes. Une ordonnance de police du 10 août 1723 interdit de les brûler le soir ou la nuit sous peine de 10 I. d'amende. D'autres particuliers les conservent, afin d'allumer leur feu en hiver. Mais des incendies se déclarent souvent dans ces dépôts de chènevottes. Une ordonnance de police du 7 novembre 1737 interdit d'en faire amas sous peine de 20 I. d'amende. Quand ils ont fini de teiller leur chanvre, les habitants doivent porter tous les débris hors de la ville dans des endroits écartés. Ces ordres ne sont pas toujours exécutés. En 1741 dans les rues qui avoisinent St-Sébastien les enfants s'assemblent le soir vers 8 ou 9 heures, ramassent toutes les chènevottes qu'ils trouvent, et font de véritables feux de joie. Une ordonnance du 31 août interdit d'allumer ainsi des feux en plein air, et fait défense aux parents de laisser sortir les enfants après 8 heures, sous peine de 6 l. d’amende, avec la responsabilité des dégâts que ces feux pourraient occasionner.
Avant la révolution économique opérée par la substitution des machines à la main intelligente de l'ouvrier, le filage des matières textiles constituait l'une des principales occupations de la femme ; la quenouille, le rouet et le fuseau étaient les attributs de l'activité domestique.
Leur rôle était capital puisque, partant de la matière première, elles devaient donner le fil au tisserand pour l'habillement de toute la maisonnée.
Le chanvre était filé au fuseau (fujà en Morvan) ou au rouet, suivant que la fileuse travaillait à l'extérieur ou à l'intérieur. Elle est classique cette image de la paysanne "main droite pendante actionnant sans relâche le fuseau comme une toupie, contre sa robe de rude étoffe". Le Dr Mallet a peint avec délicatesse cette fileuse ayant une "toupie" de filasse attachée au bout de sa quenouille, un bâton léger dont le bout inférieur était passé dans le vêtement ; du pouce et de l'index, elle arrachait un brin de chanvre qu'elle mouillait de salive et qu'elle tordait au moyen de l'extrémité pointue du fuseau pour élaborer le fil qu'elle enroulait autour de l'autre extrémité taillée en bobine.
Dans le système plus compliqué du rouet, la pédale agitée par le pied fait tourner la roue et met en mouvement la bobine qui remplace avantageusement le fuseau. Un godet d'étain rempli d'eau est fixé à l'un des montants et sert à humecter le fil. La fileuse tire de sa quenouille une pincée de filasse, l'effile, l'allonge, le tord et l'assujettit à la bobine qui tourne avec un sourd ronronnement, et à laquelle le mécanisme de la pédale et de la roue ne laissent plus un moment de repos.
Autre charmante image que la fileuse au rouet ou à la reine (petit rouet, par analogie avec le roi et la reine) : de ses doigts agiles elle tordait le fil qui s'enroulait sur la bobine du rouet, la bôbeille morvandelle. "Les brins de chanvre étaient humectés par de la salive ou par l'eau d'un godet de grès" ; lorsque la bobine était pleine de fil, celui-ci était transporté sur une roue ou un dévidet (dévidot ou devedou en Morvan), moulinet de bois, horizontal ou vertical avec manivelle, pour obtenir l'écheveau. L'écheveau, blanchi en cuvier puis séché, était ensuite remis sur le dévidet - parfois un dévidet spécial pivotant sur son pied - pour aboutir à la pelote.
Comme pour le ménage et la lessive, il existait un certain nombre d'interdictions, des périodes durant lesquelles il ne fallait ni coudre, ni filer. C'est ainsi qu'on respectait l'intervalle des deux Noëls, la Chandeleur, le Mardi-Gras, les Jeudi, Vendredi et Samedi Saints, le jour de la Saint-Jean. Passer outre aurait fait boiter le bétail, rendu lourdes les ouailles et porté malheur aux enfants.
Notre motivation est de faire découvrir aux jeunes et redécouvrir aux aînés la vie rurale d'avant 1950, grâce à des visites guidées et commentées par des guides bénévoles passionnés.
... Le musée Papotte s'est enrichi recemment d'un métier à tisser de 1850 : une présentation de son fonctionnement et du chanvre agricole complète la visite guidée.
Nous vous souhaitons à toutes et tous de passer un agréable moment et vous remercions de votre visite (1h30 environ).
1778 - La qualité des laines de Bourgogne, se rapporte à la division ordinaire du fin du mi-fin & du gros. Les plus fines viennent de l'Auxois & des pays de montagnes elles équivalent aux laines du Dauphiné, & servent à alimenter les ateliers des fabriques de Rheims, de Sedan, de Troyes & de Seignelay les plus grossières viennent de la Bresse & de l'Auxerrois, qui donnent beaucoup de laines noires, parce qu'on a l'habitude ou la négligence d'y avoir des troupeaux mi-partis ou mélangés usage qui ne peut guère se tolérer que dans l'Auxerrois, où les capucins de plusieurs provinces du Royaume, envoient acheter les laines brunes & noires, pour faire tes étoffes dont ils s'habillent. On y a encore la mauvaise pratique des deux tontes, introduite par une cupidité mal entendue, parce que ces laines n'ayant ni longueur ni qualité, on n'en fait aucun cas on suit encore en Bourgogne le vieux abus de tenir les brebis dans des écuries chaudes & malpropres & nulle part on ne les fait parquer....
...La quantité des laines de l'Auxois a fait établir à Semur deux fabriques d'étoffes; l'une de drap d'une aune de large, dit façon de Semur, & l'autre, de gros drogue» qui ne font propres qu'aux vêtements du peuple & des paysans il s'y fait sept à huit cents pièces de drap & environ cent vingt de droguet. La fabrique de ces étoffes occupe environ vingt-cinq facturiers & deux moulins à foulon, qui ont à portée une terre à dégraisser qui n'est pas mauvaise. Il y a une autre fabrique à Saulieu pour de gros draps encouragée par la province. Quoique ces fabriques soient assez considérables, elles pourraient l'être davantage, eu égard à la quantité & à la qualité des laines du pays.
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La laine est aussi un textile très employé. On utilise surtout les « moyennes laines » du Berry, de l’Auxois et du Bourbonnais, qui arrivent toutes préparées, car l'élevage du mouton n'est pas très répandu dans le Nivernais en raison de l'humidité du climat. La laine des quelques moutons du pays (Moutons élevés en grand nombre en Morvan. Une race de petits moutons noirs était préférée à cause de la couleur naturelle de la laine, qui n'avait pas besoin d'être teinte. Les moutons noirs ont presque entièrement disparu.) subit les diverses préparations usuelles : lavage, séchage, étendage, qui la débarrassent du suint et des corps étrangers qu'elle renferme ; triage, qui sépare la bonne laine de la bourre. Alors un premier groupe d'artisans spécialisés travaillent cette laine, ce sont les cardeurs. Armés de cardes en bois recouvertes de cuir avec des crochets en fer, ils l'assouplissent et l'étirent ; ils la transforment en mèches régulières. Les ouvriers cardeurs ne sont en somme que des manœuvres au service de ceux qui ont des laines à apprêter. Le filage met la laine en fil et le dévidage en écheveaux.
Les « cardeux », comme on les appelait, avaient leur mot jovial, montrant leurs habits grasseux, ils disaient :
Le ferteux ou le peigneur de chanvre (Barbanchon : Brabançon, ouvrier nomade qui travaille le chanvre - Glossaire du Morvan)
Le peigneur de chanvre (Cerèyeux, pignalou, barbanchon)
Le chanvre était teillé (opération qui consiste à séparer le filament de la tige ou teille). Il ne manquait plus que le peigneur.
Celui-ci arrivait vers le 1er décembre, des montagnes de l'Aveyron ou du Cantal, tout habillé de grosse toile de laine grise ou bleue, chaussé d'énormes sabots et coiffé d'un bonnet de coton. Son outillage n'était pas compliqué : un rectangle de fer et trois gros peignes à pointes d'acier.
Il opérait habituellement dans les granges. Le rectangle fiché dans la porte et le peigneur tenant le chanvre par les deux extrémités, il le passait vivement en appuyant fort pour l'assouplir et enlever les dernières brindilles (sevenettes) qui y étaient restées adhérentes. C'était la première opération. La seconde consistait à le passer au peigne n° 1. Les filaments s'assouplissaient, se fendaient et devenaient plus lisses. Ce qui restait dans le peigne était retravaillé et donnait ce qu'on appelait la bourre (regresse), apte à faire du gros fil pour la toile à sac. Repassé au peigne n° 2, le chanvre restait doux, souple et aminci. Ce que le peigne avait retenu après une autre façon donnait l'étoupe, avec un fil moins rugueux que le regresse. Le peigne n° 3 mettait le chanvre apte à filer (c'était le plain) et faisait une toile rustique qui était employée dans le ménage pour faire des draps, des torchons, voire des chemises d'un bon usage.
Le peigneur travaillait tout le jour et une partie de la nuit à la clarté d'une petite lampe à huile de navette qu'on appelait créau. Il dormait à côté de ses outils, couché dans la paille, sans être incommodé par le froid.
Comme les peigneurs étaient assez nombreux dans la contrée, ils s'assemblaient le dimanche, au village, mangeant et buvant bien, chantant des chansons de leur pays et dansant d'interminables bourrées.
On ne fait plus de chanvre en Morvan ; alors en ne voit plus ces joyeux barbanchons et leur petite industrie s'est éteinte.
Joseph Lagrange - « Le Morvan d'autrefois ».
Le plain, une fois filé, - au fuseau ou au rouet - et mis en achéviaux, était lessivé deux ou trois fois pour le faire blanchir, ce que l'on appelait «passé à la buie», dévidé avec les dévidots, mis en peloton et porté au tisserand, au fameux pée tixier ou tissier.
Les frotteurs de chanvre assouplissent les fibres et les débarrassent de toute impureté. Le peignage sépare encore l'étoupe et le bon lit. Les femmes commencent alors le filage avec le fuseau ou le traditionnel rouet. A cette époque c'est une occupation générale, même dans les familles aisées.
Au temps où le tissage mécanique n'était point connu, les tisserands étaient nombreux dans les campagnes. Les cultivateurs pauvres, qui ne possédaient qu'un bout de champ, joignaient l'industrie du tissage au travail de la terre, et occupaient ainsi fructueusement les journées et même les soirées d'hiver. Dans le coin le plus humide et le plus obscur de leur étroite maison, le métier de tisserand élevait sa massive élémentaire structure.
Dans presque tous les villages, le tisserand tenait une grande place, car tout un cortège de petites industries se rattachait à ce modeste et pourtant si utile métier. Le beau et solide linge qui remplissait les grandes armoires, le trousseau des mariées était un produit du pays et de ce petit artisan qui va devenir une légende.
Le tisserand, lui, se cache devant une pauvre lucarne, et c'est à peine si vous entendez la navette courir sur le fil. « Pour vivre heureux, vivons cachés », dit le grillon au papillon, dans Florian. Et vraiment, le tisserand est une sorte de grillon dans sa retraite, non par goût, mais parce qu'il y trouve une humidité favorable au tissage.
Le tisserand, avait lui-même une physionomie étrange, en harmonie avec ce maussade logis. Pâle comme tous les êtres qui vivent dans l'obscurité, les membres maigres et déjetés par l'habitude du métier lourd et incommode, il laissait volontiers croître ses cheveux et sa barbe, et, sous cette chevelure et ces poils embroussaillés, les yeux brillaient d'un feu triste et fiévreux. Les tisserands avaient l'aspect farouche, mais au fond ils étaient très honnêtes et très bons enfants.
C'est une dure existence que celle du tisserand. L'aspect seul du lourd et informe métier auquel il est lié nuit et jour, en dit long sur cette vie peineuse. Ce métier aux grossiers et frustes montants de vieux chêne, que l'âge et la fraîcheur ont noircis, a une physionomie tragique. Les leviers massifs que le pied manoeuvre, les lourds battants que la main rabat, les lisses de laiton où les fils s'entrecroisent, le vol strident de la navette, tout cela vous donne la sensation de quelque antique labeur d'esclave.
Le tisserandDans la pièce petite et noire |
Le tisserand reportait son ouvrage au client et devait rendre tant d'aunes pour tant de livres de fil. A pied, à des distances souvent considérables, il s'en allait le rouleau de toile sur une épaule et le soutenant avec son aune carrée passée sur l'autre épaule. L'aune faisait partie du matériel ; à l'arrivée on mesurait la toile, et souvent des discussions s'élevaient. En revenant, la chronique dit que l'aune servait de canne et que n'étant pas ferrée, elle diminuait un peu tous les ans ; c'est pour cette raison qu'une ordonnance exigea qu'elles fussent ferrées aux deux bouts.
Aune : Mesure ancienne équivalant à 1,188 mètre instaurée par l'édit royal de François Ier.
Bâton de même longueur dont on se servait pour mesurer.
De la qualité de la fibre et du fil dépend celle de l'étoffe, qu'elle soit de laine, de lin, de chanvre - et même de coton et de soie. La toison est de qualité inégale selon la partie du corps du mouton, la meilleure, dite traditionnellement mère-laine est celle du dessus du dos, du cou et de l'épaule. La longueur et la qualité des filaments décident de la nature du traitement : cardage ou peignage. Les fibres courtes, grossières et irrégulières, sont cardées c'est à dire rendues parallèles avant le filage. Elles donnent la laine cardée, rustique mais plus douce, qu'on peut gratter ou feutrer. Les belles étoffes sont tissées à partir des fibres les plus longues, peignées pour éliminer les fibres courtes : leur finesse, leur tombé et leur résistance sont meilleurs, leur toucher souple et sec.
Les fibres textiles sont généralement trop fines pour pouvoir être utilisées telles quelles. On les réunit en fils de grosseur et de longueur convenable, cela est encore plus nécessaire pour les fibres courtes comme la laine, le lin, le chanvre et le coton. Le procédé de filature varie selon les fibres, qui sont souvent tordues ensemble : la torsion augmente la solidité du fil. Le fil est ensuite tissé, c'est-à -dire entrecroisé pour former le tissu. Certains fils sont tendus qui forment la chaîne. Entre les fils ou les groupes de fils de chaîne passe le fil de trame, en faisant des allers et retours, les groupes de fils de chaîne étant chaque fois intervertis. À chaque retour sur lui-même, le fil de trame forme la lisière au bord du tissu. Sur le métier à tisser, les lices, actionnées par les pédales, écartent les fils de chaîne tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, pour permettre le passage de la navette qui déroule le fil de trame. La façon dont les fils de chaîne sont groupés produit des "armures" différentes, elles-mêmes à la base de tissus différents selon le motif et/ou la couleur utilisés.
La toile est le tissu du vêtement populaire, en raison de l'ancienneté et la simplicité de son armure ; elle est le plus souvent en lin ou en chanvre. Le fil de laine, travaillé en armure toile donne un drap de laine grossier, rêche et irrégulier, utilisé par les pauvres et en couverture pour les chevaux. Il sera ensuite plusieurs fois lavé, feutré, gratté - dans un tambour rotatif garni de chardons métalliques, à l'origine naturels, pour l'adoucir - assoupli, nettoyé de ses noeuds, rasé, foulé - brassé mouillé et savonné à la chaleur pour le faire légèrement rétrécir - teint, pour enfin arriver au beau drap qui est depuis le Moyen à‚ge la matière de base de l'habillement.
Les tisserands ou tissiers de Nevers emploient le chanvre et fabriquent de la toile, d'où leur nom de tissiers en toile. Ils se servent du métier à tisser; les fils tendus sur toute la longueur du métier forment la chaîne, les fils passés en travers avec la navette forment la trame. La chaîne se divise en un certain nombre de faisceaux de fil, appelés portées, qui se divisent elles-mêmes en demi-portées ou cuissettes. Quand le tisserand fabrique de la toile, la chaine et la trame sont en fil de chanvre, mais souvent aussi il mélange le chanvre et la laine. Il met une trame de laine avec une chaîne de fil « plein moyen », ce qui donne une étoffe très grossière, mais très résistante à raies ou unie, très employée dans les campagnes et même en ville, analogue au droguet ou à la tiretaine, et que l'on appelle poulangis dans le Nivernais et le Morvan. Le rôle des tisserands est donc important. Leur toile sert à la confection du linge et leur poulangis à celle des vêlements.
D'autres tisserands fabriquent du drap véritable avec chaîne et trame de laine sont les drapiers drapants. D'ailleurs ce drap de Nevers n'a rien de comparable avec le drap fin d'aujourd'hui.Les drapiers ont un métier à peu près analogue à celui des tisserands, mais leur travail est plus compliqué. Le nombre des fils par portée varie suivant l’étoffe à confectionner.
Le tissier de laine d'Avallon
Le tissier de laine ou drapier avait une autre matière à traiter et un autre rôle, celui de pourvoir à l'habillement des hommes et des femmes du peuple, et cela indique quelle importance avait cette industrie dans la ville d'Avallon. L'étoffe commune était un composé de laine, de fil de chanvre et de coton ; elle s'appelait « bouëge ou droguet » et, dans l'Auxerrois, « serge et poulangis ». Quelle épaisseur et quelle solidité avait ce drap ! Il fallait plusieurs générations pour en voir la fin. C'était bien une industrie locale, car la matière première venait de tout l'Avallonnais et semblait. inépuisable. Rien que sur la commune de Guillon paissaient 1 800 moutons qui fournissaient une laine courte, mais robuste.
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Au hasard des connaissances, Lai Pouèlée a rencontré un collectionneur possédant cette carte fort rare et très intéressante à plusieurs points de vue.
Le premier n'est pas le moindre : on sait que les tisserands travaillaient soit en cave, soit dans une souillarde humide, ceci pour la qualité de la toile devant être travaillée dans cette atmosphère.
Il a fallu, pour prendre cette photo, démonter entièrement ce métier, le remonter dehors, le redémonter et enfin le remonter à l'intérieur ! Quatre opérations fastidieuses quand ont sait qu'un métier ancien est un échafaudage complexe et entièrement chevillé. Un exploit donc pour ce tisserand..
Le deuxième est que figurent sur cette vue tous les éléments nécessaires au travail du chanvre depuis le rouet, en passant par le dev'dot (dévidoir), le bobinier, etc....
Le tisserand est ici en plein travail, tenant dans sa main droite une navette (sabot le plus souvent)..
Le troisième enfin est l'aspect misérable de la maison. Certes, sur les anciennes cartes, les maisons sont souvent sur ce modèle, mais on sait que le tisserand était un des artisans les plus démunis dans le village et les moins considérés socialement (comme le brodeur bas-breton), ceci en opposition au forgeron par exemple qui travaillait avec le feu..
Un document rare pour une meilleure compréhension du tissage dans le Morvan.
Le tissier ne confectionnait pas seulement la toile mais aussi divers tissus, mélange de toile et coton ou de toile et laine pour les habillements.
La laine provenant des moutons élevés en grand nombre en Morvan. Une race de petits moutons noirs était préférée à cause de la couleur naturelle de la laine, qui n'avait pas besoin d'être teinte. Les moutons noirs ont presque entièrement disparu.
Dans les hameaux environnants et dans Saulieu, il est certain que le tissage a été une prospérité: c'est-à-dire qu'il a employé un assez grand nombre de familles et a apporté des emplois (ce qui manque aujourd'hui, puisqu'à Saulieu c'est pas aisé de trouver un emploi). Alors, il est certain que le tissage était déjà très développé, même au Moyen-Âge, ici et ces tisserands travaillaient avec des métiers très rudimentaires. Ils ont dû tisser divers textiles, mais le plus employé était le chanvre. Le chanvre était cultivé aux abords immédiats de Saulieu et dans les villages environnants. Le chanvre « venait » extrêmement bien : un climat assez rigoureux comme le nôtre, un climat humide (il pleut bien souvent ici), et surtout une hydrographie extrêmement ténue qui permettait aisément le rouissage du chanvre ... Nos petites rivières, nos étangs, facilitaient beaucoup la chose.
Pour l'étude du chanvre, il y avait de très nombreuses variétés. Il est probable que la variété de chanvre qu'on plantait aux 17e et 18e siècles est totalement perdue. L'espèce qu'on cultivait dans le Morvan était très différente de celle que l'on cultivait en Belgique, dans le Nord et le Pas de Calais. La tige était relativement courte et la qualité moyenne. Il faut penser que ça n'était pas la meilleure qualité.
Les tisserands, c'étaient des familles. Ça ne donnait pas lieu à une organisation industrielle. Un foyer, le mari, son épouse, aidés des enfants, ça suffisait amplement pour faire fonctionner le métier (un métier où tout marchait à la main).
Il y avait des cultivateurs qui s'occupaient plus particulièrement des chenevières et apportaient le chanvre aux tisserands. Il fallait déjà le filer avec des rouets et des reinettes ; les fils étaient bobinés sur des bobines. Ces bobines étaient ensuite placées au pied du métier.
Transcription d'un enregistrement réalisé par « Lai Pouèlée » auprès de Monsieur Albert Chartter (né en 1909) et ancien guide du Musée de Saulieu.
L’Almanach du Morvan 1987 – Lai Pouèlée
Claude Jallois de la commune d'Ouroux raconte :
"Dans la commune, on était cinq ou six à tisser. Je te parle d'avant la guerre de 14 ; c'étaient des gens qui ne faisaient pas que ça, ils avaient un autre travail, ils faisaient ça pendant l'hiver.
Mon père était maçon, il travaillait le jour, il tissait la nuit. Moi, j'ai tissé avec lui avant la guerre de 14. Dans la famille, y avait mon oncle aussi qui faisait la toile. Même après la guerre, on a continué un peu. Mais mon père lui, ne faisait plus ça. Moi j'suis parti. J'en suis r'venu ... Y'avait sept ans de guerre, sept ans parti. Ça commençait à faire un bon soldat."
Métier remonté par "Lai Pouèlée"
et qui appartenait à un tisserand d'Athée (Commune de St André)- Votre métier ressemblait à celui-là ?
Oui ... C'était ça . . . et puis regarde les pieds tout pourris, il était dans la cave ... On calait le châssis aux voûtes. Et comme on était presque assis par terre, les pédales étaient dans un trou, là , dessous le pigne à peu près...
Chez nous on avait agrandi le soupirail pour faire un peu de lumière, on s'éclairait aussi avec une mèche. On tissait l'hiver quand on pouvait pas faire autre chose. Des fois, y faisait pas chaud ! Mais tu comprends, c'était bon pour le chanvre, l'humidité. Et puis, quand il fallait lancer la navette d'un bout à l'autre, ça réchauffait bien, ça allait vite.
Oui, c'était tout à fait ça... sauf que nous, on avait un pigne en fer, on l'achetait. Mais autrement on n'achetait rien, les lisses, on les faisait, on avait tout un système pour les faire, sur une planche, avec des clous.
- Vous tissiez la toile pour toute la commune d'Ouroux ?
- Oh ! des fois les gens venaient de loin ! Les fonnes nous apportint les p'lotes de cindre et on tissait la toile qu'elles voulint. Ça faisait des bons morceaux ! Après, elles en faisaient des chemises ou des draps. Mais y'avait des toiles plus grosses que d'autres parce qu'y'avait des fonnes qui filint mieux que d'autres. Avant, on pouvait counnaître les fonnes à leur fil. A c't'heure, elles filont pu, on peut pu les counnâte ! ...
Avant, on avait tous un peu de chanvre, pas rien que pour la toile d'ailleurs, y'avait les seumnottes, les cigarettes et tout . . . Pour le tisser, c'était d'l'ovraize ! il fallait le faire aizer dans l'eau, 8, 10 jours. On le surveillait, fallait pas que ça soit trop pourri non plus, autrement ça faisait des cordes, ça ne se teillait plus. Ça sentait mauvais ! On le lavait dans un lavoir exprès, dans la rue.
On le faisait sécher, on l'étendait sur l'herbe, et après on faisait des petits tas, on le mettait dans le grenier. Dans l'hiver, on le teillait.
Il fallait le donner aux barbançons, c'étaient des auvergnats.
- Ils venaient exprès ?
- Mais bien sûr ! Tiens le Joseph, lui, il connaissait tous les gens de la commune. Y disait : « Y faisait tellement froid que le feu gelait dans la lanterne ! » Il racontait des histoires comme ça... Mais il travaillait bien. Tout le monde l'aimait bien. C'était bien fait. Il avait un espèce de peigne en fer. Il fallait qu'il fasse vite pour sortir le bois. Il en restait toujours des bouts de seumnottes. Après il fallait nettoyer encore un coup comme on lave la laine.
A Ouroux, y'avait une teinturerie qui faisait les couleurs.
Après ils donnaient ça aux fonnes pour qu'elles le filint. Elles mettaient les écheveaux sur les déd'veudots et puis elles portaient aux tisserands. Y s'en débrouillaient.
Quand c'était fini et qu'on portait la toile c'était le meilleur moment !... On était bien tenu ! J'étais jeune, j'allais jusqu'à Fonteny ...
- Tout ça à pied ?
- Ah ! oui, y avait pas de vélo ! On partait toute la zornée, on ne revenait que le soir. C'était notre sport !... Et la toile était lourde, on était fort en ce temps.
- Et le lin, vous en avez fait ?
- Oui... pour soigner les bêtes. On n'en a pas filé ici... C'était pour avoir la graine. On mettait ça dans un moulin à café, ça faisait de la farine de lin. Une fois cuit, on faisait des cataplasmes, pour soigner les bêtes, les hommes aussi. Ça valait peut-être mieux que les médicaments.
Tiens, c'est comme les cordes. Maintenant, ils font ça avec les cordes de moissonneuses, avec les ficelles de lieuses. Mais ça ne vaut pas le chanvre !
L'Almanach du Morvan - 1978 - Lai Pouèlée - Transcrit d'après un enregistrement vidéo.
Résumé d'un récit fourni par M. R. à Anost, descendant d'un journalier-tisserand du XIXème siècle.
Le tisserand du village morvandiau - qui n'exerce pas toujours son métier en activité complémentaire -, est l'un des artisans les plus marquants, puisque tous les habitants lui apportent chanvre et laine et lui reprennent les étoffes. Dur métier que celui de tisserand : après le "bobinage", qui consiste à dévider les écheveaux pour garnir les bobines de leur fil, commence l'"ourdissage", c'est-à-dire l'opération destinée à tendre les fils pour la "chaîne", qui sont placés dans le sens de la longueur de la pièce. Les fils de la "trame" viennent entrecroiser la chaîne dans le sens de la largeur: le tissage commence seulement, avec le jeu de la "navette" ou "sabot" (selon que la comparaison est faite avec un petit navire ou la chaussure du même nom). Taillée dans le bois de hêtre, la "navette" est creusée pour y placer une bobine sur des tourillons, de façon à dérouler le fil au mouvement de cette "navette". Grâce à des cordes passant par des poulies, le tisserand fait écarter les fils de la chaîne, pour y glisser la navette : deux pédales commandent l'abaissement ou le relevage des fils pairs et impairs, alternativement. A deux mains, le tisserand lance la "navette" à droite et à gauche. Le tissu est ensuite serré, morceau par morceau, avec un "peigne". On imagine mal la minutie nécessaire dans ce métier lent et monotone, pas plus que l'attention incessante imposée au tisserand pour que la longue pièce de toile soit tissée régulièrement et sans défaut : les pieds, les mains, les yeux sont occupés à la fois.
Paysans et notables du Morvan au XIXème siècle jusqu'en 1914 - Marcel Vigreux - 1998
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1744 - Mémoire sur le commerce de la Généralité de Bourgogne
Comme il se fait de grandes nourritures de bêtes à laine en Bourgogne, le Commerce des laines y est très considérable. Une partie s'employe dans les Manufactures de lainerie, qui sont en grand nombre dans la Province ; l'autre, qui n'est pas propre pour les espèces d'étoffes qui s'y fabriquent, s'enlève par les Marchands des Provinces voisines ; & pour remplacer ces laines du Païs, qui en sortent, on est obligé d'en faire venir de Rheims & de Troie, plus convenables à la qualité de certaines fabriques, comme font, par exemple, les serges façon de Londres & de Seignèlay, où l'on mêle les laines de Troie & de Rheims, à celles de l'Auxerrois, qui sont les meilleures de la Bourgogne.
Les principales Manufactures de lainerie, sont celles des draps qu'on fait à Beaune, Vitaux, Semur, Saulieu, Montbart, Rouvray, Avalon, Auxerre, Nuits, Pont-le-Vaux, Autun, Joigny, Sens, Villeneuve-l'Archevêque, Bigny, & Ancy-le-Franc. Les Manufactures des serges de toutes sortes surtout, des serges drapées, & des serges façon de Londres, ne sont pas moins considérables : il s'en fabrique à Dijon, Marcy, Auxerre, dans son Hôpital, aussi-bien que dans celui de Beaune ; à Seignèlay, Arnay-le-Duc, Auxonne, Châtillon sur-Seines & Chassinelles.
Les droguets, les tiretaines, les talanches, se travaillent à Semur, Montbart, Auxerre, Nuitz, Beaune, Louhans, Clugny, Mâcon, & Montluet. On fait aussi en quelques-unes de ces Villes, & particulièrement à Autun, des crêpons appellés Frater, & des treillis de trois quarts & demi de large.
Le négoce des bas, & autre bonneterie, & celui des dentelles façon du Havre & d'Angleterre, se font à Dijon ; les dentelles sont grosses, mais il s'en débite beaucoup en Franche-Comté.
Les chanvres, ou en masses, ou peignés, se vendent partie à l'étranger, & partie se consomment pour les Manufactures de toiles de la Province.
Les autres fabriques de diverses marchandises qui se font encore en Bourgogne, sont celles de chapeaux, qui ne servent qu'aux Paysans de la Province ; des cuirs, desquels il y a plusieurs Tanneries; & des papiers, dont les moulins sont au nombre de huit.Avallon : Les laines y sont un peu grossières ; cependant on ne s'en sert point d'autres dans les fabriques des draps & des droguets qui y sont établies. Les draps sont d'une aune de large, assez forts & assez bien travaillés ; on y en fait environ 200 piéces. Le produit des droguets ne va guére qu'à 50.
Douze Facturiers & trois moulins à foulon, y soutiennent ces deux fabriques. Le foulage des étoffes n'y est pas bien bon, ce qui vient plus de la faute des eaux qui n'y sont pas propres , que de celle des Foulonniers.Saulieu : Il s'y fait des draps d'une aune de large, mêlées de laines du pays, qui sont très bonnes, avec celles de Champagne, qui sont assez grossières.
II s'y fait aussi des droguets fil & laine, de demi-aune demi-quart.
Et des toiles de trois quart, & trois quart & demi de large, & de 40 à 45 aunes de long.
1762 -
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J'avais porté au tisserand un paquet de fil et de la laine de nos moutons pour nous faire une bonne pièce de droguet. - Mais comment seront les raies ? Il ne fallait pas les commander larges, parce que je n'en voudrais point, et que je ne voudrais pas être habillée comme ma belle-mère, ni lui ressembler. - Sois tranquille, ma fille, le tisserand m'a montré une pièce de droguet sur laquelle il y a une raie rouge, et de chaque côté une raie bleue et blanche moins large que la raie rouge. J'ai trouvé ce droguet très beau. Je lui ai ordonné de nous en faire de tout semblable. - Cher papa, vous avez bien fait d'aller vous-même commander cette pièce de droguet à raies rouges, blanches et bleues. Ce sera bien beau. Je ne voudrais pas être habillée comme ma belle-mère. Quand elle a mis sa calamandre à larges raies jaunes et blanches, elle a vraiment l'air de la poupée du loup.
Mes pauvres enfants, nous dit mon père, vous n'avez plus rien à mettre pour tous les jours; du moins, ce bon droguet vous tiendra chaud pour l'hiver. Nous en aurons tous chacun un vêtement. De suite mon père envoya chercher les couturières, qui lui firent pantalon, veste, gilet, ainsi qu'à mes deux frères, et à moi un cotillon, la camisole et le tablier pareils, et de même à ma belle-mère et à ses enfants, jusqu'au plus petit. Il restait encore un bon rouleau de droguet; il fallait bien que la mère de ma belle-mère, qui venait souvent en l'absence de mon malheureux père chercher avec sa hotte des provisions, eût aussi part au restant de la pièce. Rien ne leur échappa; je n'eus que mes vêtements de droguet, c'est la seule chose qu'elle ne m'ait pas ravie. Ils m'ont bien servie contre les intempéries, lorsque je quittai pour toujours l'asile paternel, et que je commençai mon long voyage d'exil, errante, sans parents, sans amis, sans pain, sans asile, sans personne qui s'intéressât à moi; et je me suis toujours souvenue de mon petit cotillon, de ma camisole et de mon tablier de droguet, seul apanage à mon entrée dans le monde.
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1778 - Le filage des cotons s'établit & se perfectionne tous les jours dans les villages & devient dès lors une très-grande ressource pour les personnes incapables de travaux plus considérables & plus fatigants.
On fabrique aussi à Dijon des droguets rayés & unis, de très-belles ratines & même quelques draps, façon de Semur.
A Arnay-le-Duc, des serges drapées & des droguets occupent une vingtaine de manufacturiers la terre & les eaux sont propres au foulage, qui cependant n'y est pas trop bon.
Une douzaine de facturiers d'Avalon fournissent des droguets & des draps façon de Semur mais les lainés n'y sont pas bien bonnes & le foulage très mauvais.
Les manufactures de toilerie que nous paraissons avoir préférées aux autres, parce qu'elles soutiennent la culture du chanvre, & qu'en se subdivisant à l'infini dans les campagnes elles y font une ressource de plus dans les saisons mortes pour les travaux de la terre, ont encore cet avantage que leurs rebuts & les chiffons de linge usé, s'emploient aux papeteries dont il y a un nombre considérable dans la province. On y compte plus de trente papeteries & deux cartonneries.
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Il semble bien que les auteurs locaux aient confondu les divers tissus ou, plutôt, les aient désignés suivant le nom qui leur était localement donné,car en général :
Le poulangis - poulangris - était un mélange de laine et fil
Le bouège (boige, bouége, boge, boige...) un mélange de laine et coton fort grossier mais très solide. Les couleurs ordinaires étaient le rouge, le jaune et le vert.Poulangis, s. m. étoffe commune à raies ou unie, espèce de droguet fabriqué mi-partie de fil de chanvre et de fil de laine, par les tisserands de campagne. Disparaît de plus en plus pour faire place au drap - Glossaire du centre de la France - 1858 - M. le comte Hippolyte-François Jaubert (1798-1874)
Ce bouège était porté au foulon pour lui faire subir un apprêt qui le rendait inusable. Ressemblant aux moulins à tan, la machine à foulon n'était pas compliquée :
"Deux lourds madriers, actionnés par un arbre de couche recourbé en forme de vilebrequin au centre, retombaient tour à tour, à coup mort, dans une auge bardée de fer où se plaçait le tissu... Simple était la préparation : On répandait au fond de l'auge un lit de terre argileuse, extraite de Saint-Martin-de-la-Mer près de Saulieu, puis on garnissait la pièce de bouëze, préalablement roulée de la grandeur de l'auge. On la mettait alors sur la première couche d'argile, on amenait là -dessus un filet d'eau gros comme le bras et les deux madriers se mettaient en mouvement. Pendant trois jours et trois nuits le tissu était roulé en tous sens dans cette bouillie d'un nouveau genre ; cependant, afin d'éviter l'usure au même endroit, toutes les 6 ou 7 heures on arrêtait le foulon pour retourner la toile. Quelque fois on ajoutait à l'argile un peu de savon gras pour achever le dégraissage".
Le foulage terminé, la pièce d'étoffe était sortie une dernière fois de l'auge, lavée à grande eau, séchée, puis repliée soigneusement.
Aux environs de Château-Chinon, les madriers étaient remplacés par 6 maillets qu'actionnait une barre transversale à pales mue par un moulin ; les maillets tombaient alternativement à une cadence rapide.
Pour rendre les poils des draps plus lisses et plus unis, les foulons se servaient du chardon à foulon que l'on appelle peigne à bourrique, "dont les tètes florales ovoïdes sont armées de nombreux petits crochets".
Le drapier drapant livre un drap d'apparence grossière, qui doit subir un certain nombre de préparations ou apprêts. Diverses catégories d'ouvriers travaillent ainsi pour le compte des drapiers.
Les foulonniers pratiquent le dégrais et le foulage de l'étoffe. Ils l’étirent ensuite, afin de la ramener à sa largeur. Les moulins à foulon sont installés sur des rivières ou des ruisseaux, car il faut de grandes quantités d'eau pour dégorger les tissus. L'eau donne aussi la force motrice au moyen d'une roue, à aubes qui met en mouvement un grand arbre avec de place en place des morceaux de bois en saillie ou levées, qui dans leur mouvement de rotation soulèvent des maillets ou pilons, verticaux ou inclinés. Les maillets retombent dans des auges, où les draps se trouvent battus en tous sens.
...Après le foulage il faut procéder au lainage et à la tonte des draps. En fait les foulonniers de Nevers sont en même temps laineurs et tondeurs. Les laineurs brossent les draps avec des cardes en fer très fines ou mieux avec des chardons, « d'abord à chardon mort ou qui a déjà servi, puis à chardon vif, ou qu'on emploie pour la première fois ». On arrive ainsi à garnir et à velouter l'étoffe. Le tondeur doit réparer les irrégularités du chardonnier. Il emploie d'énormes ciseaux appelés forces, qu'il promène sur toute la surface du drap. Après diverses opérations secondaires, le tissu peut aller à la teinture.
Avant le XVIlle siècle, des couleurs ternes, fades, bruns et gris délavés.
Depuis le Moyen à‚ge, le vêtement populaire est donc fait principalement de lainages et de draps de chanvre et de lin, parfois assez grossiers, choisis pour leur résistance à l'usure. Seuls les artisans aisés peuvent s'offrir le drap de fine laine et le beau lin. Et si le vêtement sert à classer socialement, il le fait aussi par sa couleur.
Pendant des siècles, la couleur, issue de colorants végétaux, ne pénètre pas en profondeur dans les fibres des tissus. Les teintes ne résistent pas à l'exposition à l'air et au soleil, aux intempéries, aux lessives. Elles virent vers le gris ou le brun neutres, prennent un aspect délavé, fade, terne - « pisseux », n'hésite pas à dire Michel Pastoureau : « le fin du fin était la couleur dense, saturée, stable, solide, résistant aussi bien à l'eau et à l'air qu'à la lumière. »
Les paysans teignent les tissus rustiques qu'ils fabriquent eux-mêmes avec toutes sortes de colorants locaux disponibles : le pastel (bleus) remplacé dans les manufactures par l'indigo, le gaude, le genêt, la sarrette, le safran et le fustet en Provence (jaunes), la bogue de châtaigne (beige), les noix de galle, la feuille de noyer et l'extrait de noix (noirs), l'ortie et le bouleau (verts), l'aulne (gris), etc.. Seule la racine de la garance (rouge) donne de bons résultats. Avec les mêmes techniques, les mêmes mordants, y compris les plus basiques (tartre, urine, vinaigre), la garance imprègne les tissus et résiste mieux au temps. C'est la raison pour laquelle la plus belle robe des femmes d'origine modeste, en particulier celle qu'elles portent à leur mariage, est souvent une robe rouge.
Dans le tissage on employait aussi beaucoup de coton bleu pour les habits d'été ; on l'employait aussi avec la laine noire et le coton blanc. Les habitants des campagnes aiment beaucoup les couleurs éclatantes ; aussi la laine rouge de toutes nuances et le coton rouge entrèrent de bonne heure dans la fabrication des étoffes.
La pièce d'étoffe, toile, poulangis ou barraige, était bientôt transformée. Le soin de faire les habillements était confié au coudré, au couturier de village qui, le plus souvent, travaillait à domicile.
On jugera de la science du bonhomme par cette citation empruntée à Pierre Trameçon, originaire des Amognes, et qui nous reporte à plus de 80 ans en arrière (environ 1880)
"Elles étaient hygiéniques les culottes du père Jeannot ; on était à l'aise dedans où l'air circulait librement ; le fond en était large : cinquante sur cinquante centimètres, ce qui lui donnait l'aspect d'un disque de chemin de fer, et ce fond, lorsque les jeunes gens dansaient, prenait un mouvement de va et vient tout drôle qui se continuait, une bonne minute, pendant le repos de l'une à l'autre des figures de la danse ; quant aux jambières, elles ressemblaient à deux troncs de cône renversés que surmontait, sur le devant, une sorte de pont-levis retenu à l'état de fermeture par deux gros boutons d'étoffe qui faisaient la désolation des doigts délicats".
Dominant le paysage, la Collégiale Notre-Dame est un fleuron de l’architecture gothique. Débutant par l’abside à partir des années 1220, les travaux s’achèvent par les décors flamboyants du porche dans les années 1470. C'est un joyau de l'art gothique flamboyant en Bourgogne, elle possède de superbes vitraux dont deux qui ont trait aux corporations, celle des bouchers et celle des drapiers.
Le vitrail des drapiers : Cliquez sur l'image pour l'agandir
Huit scènes évoquent le travail des cardeurs, tisserands et drapiers :
Fil : 170 mètres de toile de fil de 1 mètre de large, à 2f 00 le mètre
Laine :
Fil : 95 Kg de chanvre récolté dans la propriété, à 1f 00
Laine : 80 Kg de laine provenant des moutons du domaine, à 1f 60
Travail de la famille : Journées (comprenant la culture, le tissage, le rouissage, le tillage, le sarauçage du chanvre, ainsi que le filage du chanvre et de la laine ; les tissages opérés par un homme de la communauté) :
Aller à la page : "La communauté de Pervy"
Vêtements d'hommes :
Etoffes de fil fabriquées dans le ménage : 310f 00 en nature
Etoffes de laine fabriquées dans le ménage : 177f 00 en nature, 7f 00 en argent
Fil de laine pour tricot fabriqués dans le ménage : 50 f00 en nature
Fournitures diverses achetées (fil, aiguilles, doublures, passementerie, boutons) : 10f 00
Travail de la famille : journées
Aller à la page : "La communauté de Pervy"
A travers notre folklore et nos dialectes (Bourgogne) Tome I - La culture du chanvre par M. E. HUCHON
Folklore du nivernais et du Morvan - Jean Drouillet
Le Morvan Coeur de France - Joseph Bruley
Dictionnaire universel de commerce, contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde. Tome 1,Partie 2 / ... Ouvrage posthume du Sr Jacques Savary Des Bruslons (1657-1716)... continué... et donné au public, par Philémon-Louis Savary (1654-1727) - 1744
Manuel historique, géographique et politique des négocians - Jean Paganucci - 1762
Les Paysans sous la royauté - P. Joigneaux - 1850
Histoire de l'enfance de la petite paysanne et de la baraque de son père, racontée par elle-même sur ses vieux jours... - Mlle Françoise Perrot, dite Pauline - 1863
L'almanach du Morvan - Souvenirs de tisserand page 36 - 1978
Statistique de la commune de Fretoy - Jean Simon - 1883
Le glossaire du Morvan - E. De Chambure - 1878
Tome III - Académie des Sciences Arts et Belles Lettres de Dijon - Association Bourguignonne des Sociétés Savantes
Robert Monin - Membre des Enfants du Morvan en 1968 - Vice Président en 1969 - Président de 1975 à 2000
L'almanach du Morvan - 1978 et 1987 - Lai Pouèlée
Illustrations tirées du livre : Jours et travaux d'autrefois - Le chanvre - Louis LAVIGNE
Paysans et notables du Morvan au XIXème siècle jusqu'en 1914 - Marcel Vigreux - 1998
Histoire de la mode enfantine - Jusqu'au XVIIIe siècle, des tissus de laine, de chanvre et de lin -Les Petites Mains